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La poule pond
22 avril 2019

Pause

Je mets ce blog en pause. Merci à Valérie qui a encouragé mon come-back dès mon premier billet et qui n'en a manqué aucun, merci à Clélia qui a voulu savoir qui était cet oiseau qui commentait chez Valérie et merci à Walrus qui a trouvé le temps de venir jeter un œil à l'invitation lancée avec plaisir et gentillesse par Valérie sur son blog. Encore merci à tous les trois.

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5 juin 2019

Avant-coureuse

Ce matin-là, excédée d'avoir encore cherché une demi-heure son téléphone mobile dans toute la maison, madame Pertout eut une idée, qu'elle qualifia instantanément de géniale, en apercevant près de la bouilloire électrique le pistolet de colle à prise rapide que son compagnon avait oublié la veille au soir après avoir rafistolé les barreaux du dossier d'une des deux chaises en bois de la cuisine.

 

Une large galette de colle déposée au dos de l'appareil et une pression de l'objet contre le mur lui firent pressentir l'énorme potentiel de son initiative. Sans attendre que le café fût servi, elle se précipita au bureau des dépôts des brevets et inventions. Chance ! elle vivait à trois arrêts de bus du lieu. Le quart d'heure nécessaire au voyage lui fut hautement profitable, elle nommerait son invention « téléphone fixe ».

 

L'employé qui la reçut — un vieux chauve à la peau qui lui pendait des joues — lui rit au nez. Le monde n'avait guère changé, le combat pour imposer les idées neuves ne cesserait jamais. Mais la pugnacité de madame Pertout ne serait pas refroidie par le rire niais d'un vieillard aveugle à la modernité. Porte de Versailles, cet automne, se tiendrait le salon Lépine ; foi d'inventeur ! elle y aurait son stand.

9 juin 2019

Au clair de la lune

« Je n’ai plus de feu,
Ma chandelle est morte... »
Cette chansonnette, au top des charts de la semaine, me revient en tête sous la douche.

Une illumination :
« Ma chandelle est morte... »
Quelle chandelle ? Ça,  une chandelle ?

« Je n’ai plus de feu... »
Plus de feu ? Plus de fougue ?

« Prête-moi ta plume... »
Ta plume ? Ta plume ?

Oh, là, là, est-ce Cyrano qui prête sa plume à Christian pour l'aider à séduire Roxane ?

Il y a un peu de ça :
un nigaud, un amant en panne, une coquine qui réveille les morts.
Car enfin... la voisine !

Et puis soudain... tout s’éclaire à la lume (pas à la plume, mais à la lume, lume comme lumière). Je croyais avoir une idée originale et ce n’est que le souvenir  d’un article lu naguère dévoilant le sens grivois (à peine caché) de la chansonnette.

« Ouvrez-moi la porte
Pour le Dieu d’amour...»

Le Dieu d’amour ! Par Cupidon, le Dieu d’amour, pas « l’amour de Dieu », ça change beaucoup de choses. Et la porte ? la porte ? quel pertuis s’entrouve-t-il ici ?
« Mais j’sais que la porte
Sur eux se ferma...»
Je ne dérange pas plus.
10 juin 2019

1 + 1

Sur la place du village, un clown amuse un petit groupe d'enfants.

Clown dans sa façon d'être, pauvre hère dans son accoutrement. Sur son avant-bras, (l'un de ses avant-bras) des tatouages. Sur l'autre également. Je reprends ma phrase. Sur ses avant-bras, des tatouages. L'un deux intrigue une fillette : 1 + 1 = 3

— Mais, 1 + 1, ça fait 2 !

Le clown écarte les bras, poings fermés. Il dresse soudain ses deux index, rapproche avec force ses deux mains et les choque violemment. Paf ! Elles s'écartent et... trois doigts sont dressés à gauche, zéro à droite.

 

La fillette est bouche bée. J'applaudis. Le clown sourit. Il a les dents blanches. Ses yeux pétillent de malice. 

11 juin 2019

Leurrer

Placer un œuf factice au pondoir incite les poules à pondre. C'est connu. Cela se transmet d'éleveur en éleveuse. Un œuf de plâtre ou de bois. Un œuf à repriser.

Qui reprise encore de nos jours où tout se jette ?

Mamoune. Qu'une petite fille troue le coude de son chandail et elle (la grand-mère) brodera tantôt un escargot, tantôt une chouette ou un capricorne. Son bestiaire dépasse largement les horoscopes, tant le chinois que l'occidental. Un singe précolombien comme celui du plateau de Nazca ? Vendu !

 

Mais, je reviens à mes œufs leurres (mes zeuleur ! ça sonne bizarrement, zeuleur, enfin). La poule voit un œuf, l'idée de pondre lui vient. Dans son cerveau de poule ? Elle voit un œuf de bois (ou de plâtre ; en inox ou en onyx, je ne sais pas) et elle pond ?

Quoi ?

Comme ça ! En cinq minutes ? Elle fait un œuf et sa coquille en cinq minutes ?

Pas si simple. À l'intérieur d'une poule, en fait, c'est une chaîne de montage. Ouvrons une poule pour voir (on refermera soigneusement ensuite, on n'est pas des bœufs !). Dans son ovaire (la poule n'en a qu'un seul, à gauche) un millier de follicules attendent de mûrir. C'est une poulette et tous les œufs  qu'elle pondra jamais sont là, déjà prêts. Minuscules mais présents.

Alors, l'œuf en bois ? Pour décider la poule ou magie blanche pour rassurer l'éleveuse ? Parce que les follicules sont là. En attente. De quoi ? De stimulation ? Comme lorsque maman fait « psss, psss, psss » pour encourager bébé à faire pipi avant qu'elle ne lui remette une couche propre ? Enfin, ça, c'était avant l'invention des polymères superabsorbants.

 

Mais où voulais-je en venir ?

Aux polymères ? Non !

Au métabolisme de la poule ? Non !

Aux œufs à repriser ? Non !

 

Ah, ça me revient ! Pour pondre, la poule, on lui place un leurre au pondoir pour stimuler le démarrage de la chaîne de montage ; et quand une poule  a la prétention de vouloir écrire, on lui demande de tracer quelques mots sur un papier quadrillé et... le chapelet se dévide hors de l'ovaire. C'est parti, rien ne l'arrête, la poule prétentieuse. C'est comme verser un demi-litre d'eau dans la pompe pour l'amorcer. Allez, pompe Philippe, pompe, pompe ! Il n'y a plus qu'à arroser... Ça vient, tu vois, le leurre, ça marche. Pompe mon grand ! Et si, en plus, à cette poule, on lui donnait un stylo rose, elle écrirait Soixante-n'œuf nuances de plumes grises ?

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12 juin 2019

Une belle plante

Ça faisait un moment qu'on n'avait plus vu Christian. Sa femme l'a retrouvé, jeudi dernier, emberlificoté dans sa glycine. On a dû le dégager à la tronçonneuse ; en faisant attention, Christian est sec comme un sarment de vigne. On n'allait pas lui couper une jambe !

Piteux, il a concédé qu'il était resté un peu longtemps à mater la nouvelle voisine qui prenait un bain de soleil sur son transat. Les glycines, c'est terrible : ça pousse à une vitesse !


— Quand même, a houspillé sa femme, tu as dû la reluquer un bon moment !


Christian a baissé le nez. C'est lui qui avait la plus belle glycine du quartier. Sa femme a exigé que l'élagueur la coupe à ras. Je crois même qu'elle a fait déverser un bidon de napalm sur la souche, ou un truc du genre, du glyphosate ou du bromure, je ne sais plus.

***


Ce matin, dans mon jardin, j'ai vu une petite tige pointer trois feuilles. Elle est passée sous les fondations du mur mitoyen. J'espère que le soleil va briller jusqu'en octobre. Ça pousse si vite une glycine.

14 juin 2019

CRAC !

Crac !

— Chérie, une marche de l'escalier craque. C'est la troisième fois en deux jours.

— Laquelle ? je n'ai rien remarqué !

Elle en a de bonnes, Michèle, comment veut-elle que je sache ? Une marche craque. Je ne lui ai pas dit qu'elle craquait sous mon poids. Elle craque toute seule ! Mon bureau est sur le palier, précisément en haut de l'escalier. CRAC ! Tiens ! encore ; ça fait quatre fois que je l'entends. Sans bouger de ma chaise.

— Non, rien,  chérie, j'ai dû rêver !

— Bon, d'accord !

Michèle se satisfait vite, je trouve. J'ai préféré botter en touche. On ne sait jamais vers quoi on embarque quand on veut expliquer un phénomène irrationnel. Une marche craque sans que quiconque y pose le pied. C'est un fait irréfutable. J'en suis témoin. (Bon, ok, c'est là le point faible de mon argumentaire.)

Un esprit pragmatique comme celui de Michèle va argüer que l'escalier est centenaire... que mes acouphènes ceci... mon tympan cela... mon hippocampe couci... mon lobe temporal couça...

Néanmoins, une marche craque.

CRAC ! 

Et de cinq !

 

1 janvier 2019

Comment ça marche ?

Simple.

Mettons que quelqu'un me confie un texte et que ce texte corresponde à la charte de Canalblog, je le publierai au pondoir de ce poulailler.

Utiliser le lien "contacter l'auteur" en bas de page du blog, ou passer à la maison pour qui connaît l'adresse.

Ce peut être également un dessin, une photo, un gribouillis, autre chose...

Je donne le nom et les liens de l'auteur s'il le souhaite, comme il le souhaite.

Pour les jeunes enfants, je préserve l'anonymat.

Au 12 juin 2019, après trois mois de ponte, le poulailler n'a eu que trois visiteurs (peut-être un ou deux de plus qui n'ont pas commenté, c'est possible bien qu'improbable), alors la notoriété des auteurs en résidence ne sera guère boostée par une parution entre ses planches, mais, qui sait ? au bout d'un an, le score aura peut-être doublé ? Et puis, moi, ça me ferait rudement plaisir d'accueillir des auteurs en résidence. Si le plaisir était réciproque, ce serait fun.

Philippe

 

 

28 juin 2019

Mort d'un jardinier

 

Mon gendre (il écrit bien « mon beau-père », je peux écrire « mon gendre ») m’offre un livre de Lucien Suel, paru aux éditions de la Table Ronde en 2008. Mort d’un jardinier.

Au début des années 70, dans un magazine spécialisé, une publicité pour un appareil photo reflex que l’agence qui l’avait conçue proposait de laisser négligemment traîner sur  une table basse ou un bureau afin que le message, même pas subliminal, opère affichait ce slogan :

« J’ai très envie d’un Minolta SRT 101 »

Humour.

Hervé m’offre un livre de Lucien Suel : Mort d’un jardinier.

Cent soixante pages, vingt-trois chapitres et vingt-quatre phrases. Si, si, vingt-quatre ! Le chapitre vingt-trois compte deux phrases. L’auteur a dérogé à son parti pris, ou une faiblesse ; il a posé un point en cours de chapitre. « ... ton âme se sépare de ton corps, tu es mort.  Ad plures ire, tu as rejoint le plus grand nombre, tu es mort, le rouge-gorge s‘envole, se pose sur le sureau, son chant liquide... »
Des majuscules ? Oui ! En pagaille ; l’auteur convoque tout son passé, sa famille, ses amis, ses héros, ses  auteurs préférés.

Vingt-trois chapitres, vingt-quatre phrases ; l’action (si on veut nommer cela ainsi) se déroule en  vingt-quatre secondes peut-être ? mais tu mets deux heures (plus si tu poses l’ouvrage après avoir corné une page) à arriver au bout de ces vingt-quatre secondes. Je dis vingt-quatre, c’est ma vision, j’ai peut-être lu trop vite, ou trop lentement..

Toute une vie qui défile.
Mort d’un jardinier, mais le livre sonne comme Vie d’un jardinier. Finalement deux heures pour une vie, c’est court, on ne fait que l’effleurer (d'un léger coup de râteau ?).

10 juillet 2019

Oualou

Je sais que, la nuit, Michèle se métamorphose.

Elle me répond que j'ai des pensées bizarres... que je rêve éveillé... enfin, ces salades qu'on sert à qui on veut cacher des choses.

Mais, à cette toute petite intonation que prend sa voix quand elle ne dit pas la vérité, je sais que j'ai raison.

Je n'ai jamais pu la prendre en défaut. Elle est rapide, la bougresse ! Que je me réveille au milieu de la nuit, elle réintègre à la seconde et sa forme de jour et le lit conjugal. Depuis toujours.

Me coucher plus tard qu'elle ? Bernique ! Elle attend, quitte à dormir sans même feindre.

Faire sonner le réveil ? Que dalle !

Vibrer le cellulaire ? Chou blanc !

Boire un litre de café après souper ? Rien de rien !

Elle se métamorphose. Je le sais.

Brancher une caméra espion ? Macache ! déjà fait, depuis belle lurette, avec l'arrivée des premiers camescopes au siècle dernier.

 

Inutile d'attendre une erreur de sa part. Elle n'en fera pas. Je mourrai sans savoir.

C'est énervant d'écrire une histoire qui n'a pas de chute. Je préfère retourner au lit.

— Don't disturb ! Chuuut !

1 juin 2019

Toute

— L’eau bleue de tes yeux, comme un lac immobile, permets que j’y plonge tout entière.

— Fais !

Elle n’a jamais reparu. Parfois, dans les yeux de la belle Océane, une silhouette féminine ondule, lentement, tantôt d’un mouvement de brasse qui la conduit vers les profondeurs de la rétine, tantôt d’un calme dos crawlé à la surface de l’iris jusqu’au couchant de la pupille.

Elle est heureuse.
Elle sait qu’elle l’est.
C’est son élément.

Dans ses yeux, Océane, son amante y nage.

Mon amante, dans mes yeux, nage. Elle est heureuse. Je le sais parce qu’elle chante.
19 juin 2019

Le néflier

 

Enfant, tu ne sais pas, les choses arrivent, elles n'ont ni origine ni destinée. Elles arrivent. Elles cessent.
Les nèfles ? Tu n'en sais rien. Rien.

Un matin, ton grand-père te demande de le suivre dans le jardin du voisin qui a besoin qu'on l'aide à réparer le grillage des poules. Tu le suis. Ça ou faire peur aux grenouilles dans la mare.
Et là, ton grand-père, mais ça peut également être le voisin, te montre un arbre. Que tu n'avais jamais vu. A huit ans avais-tu d'ailleurs vu un arbre ? On veut dire VU. Non. Des morceaux, des flashs, des instants. Une pièce d'un puzzle aux dimensions de la planète. Mais vu ? Non !
Un néflier ? Et alors ? Ça se mange ? Quoi, l'arbre ? Non, les fruits qui pèsent au bout des branches, sotte fille. Goûte ! On ne dira rien à ta grand-mère.
Si on ne dit rien à Mémé, alors les nèfles ont déjà un peu du goût de l'interdit. Tu cueilles un fruit. Tu mords dedans. Tout de suite, tu butes sur un noyau, ou un pépin, tu ne sais pas. C'est gros, tu optes pour le noyau. Ça goûte la pomme verte. Ou la poire verte. Tu recraches. On peut, Mémé n'est pas là. Une poule s'empare du morceau. Elle a l'air d'aimer. Les nèfles, c'est bon pour les poules. C'est déjà ça.

En retendant le grillage, ton grand-père t'explique qu'il faut attendre novembre pour qu'elles soient blettes. Le gel doit leur passer dessus. Novembre, c'est loin. Les vacances seront terminées. Tu oublies.
 
Deux ans plus tard, ou trois, on ne sait pas, personne n'a compté. On dira trois. C'est comme ça. Odette fait comme elle veut. Trois ans plus tard, tu es là pour le 11 Novembre. Tu te souviens des nèfles. La mémoire que ça a un enfant ! Tu prends un panier et tu retournes au poulailler. Qui dira la mémoire des poules ? Les poules ne te reconnaissent pas. Ou alors ce ne sont plus les mêmes. Tu ne sais pas, quand tu es un enfant. Une poule, c'est une poule. Tu remplis ton panier. Tu jettes une poignée de nèfles aux poules ; elles accourent. Si ce sont des nouvelles, alors toutes les poules aiment aussi les nèfles.

Ta grand-mère est contente, c'est pas ton grand-père qui aurait l'idée de lui en cueillir. Elle tâte. Elle choisit les fruits blets, C'est bon ! Ça lui rappelle son enfance. Elle recrache les noyaux. Combien il y en a ?
Tiens, ma puce, goûte celle-là ! Si c'est Mémé qui demande, tu prends le fruit et tu le portes à tes lèvres. Tu fais comme si tu n'avais pas senti l'odeur sûre, tu goûtes. Alors là, Mémé, je suis désolée mais il faut que je crache. Grand-père rigole. Tu bois un verre d'eau et tu sors pour voir si les grenouilles de la mare sont encore à se dorer sur la berge. Et tu oublies.

Enfin, tu oublies jusqu'au jour où, devenue grande, tu ouvres une encyclopédie. Mais bon, ça, ouvrir une encyclopédie tout le monde sait faire. Tu arrêtes là ton récit. Tu espères juste que tu n'as pas écrit tout ça pour … des nèfles, quoi !

 

30 juin 2019

Bar à abeilles

Ai vu des abeilles boire. La surface de ce pot de fleurs (pourquoi celui-ci quand tant d’autres l’entourent ? je suppose que  la technique éprouvée de communication entre ces petites bêtes marche autant pour les sources de nectar que pour signaler un point d’eau sympa) grouillait d’insectes affairés à pomper le liquide. À côté, rien. Seulement ce pot. Et une noria d’abeilles, un pont aérien au service d’une cause animale (pas trouvé l’équivalent de l’adjectif « humanitaire » appliqué à la gent animale).


Au début, ai cru que les algues à la surface du substrat étaient la cause de cette frénésie. Mais du pollen d’algues ? Inconnu au bataillon. Ai longuement observé, elles buvaient.

Cela me pose plein de questions.

1/Pourquoi ai-je attendu tant d’années pour relever le phénomène ? Car enfin, ma vue ne s’est pas améliorée au fil des ans, c’est plutôt le contraire. Le fait est néanmoins là : les abeilles boivent. (Dans un blog qui se nomme Lapoulepond, lire « les abeilles boivent » ne devrait surprendre personne !)

2/ Pourquoi des algues à la surface des pots de fleurs susnommés ? Là, je sais, pas de souci. Algues il y aura tant qu’humidité sera.
Voilà.

Oui,  « plein de questions » et je n’en rapporte que deux ! J’aurais pu me dispenser de l’adverbe « plein ». Et tant qu’à faire, me dispenser également de la deuxième question, vu que ce n’en est pas vraiment une.

Cela me pose une question. Et peut-être même pas une question, juste un étonnement. Ça alors, les abeilles boivent ! Les guêpes et les frelons, je savais, on les piège au vin blanc et au sirop de fraises. Les mouches on les attire avec du vinaigre. Non ? Je fais comme si. Les hirondelles boivent en rasant la surface de l’eau en plein vol. Les hirondelles ne sont pas des insectes. Laissons-les hors de cette histoire.


Mais les abeilles !


Et foin de canicule, j’ai observé le phénomène la semaine passée ! Je me demande combien de temps je vais devoir attendre pour voir une abeille faire pipi. Il ne me reste plus beaucoup de temps, enfin moins que je n’en ai mis pour découvrir qu’elles épanchaient leur soif en pompant l’eau de mon pot de fleurs (ou de tout autre endroit d'ailleurs).
2 juillet 2019

Décroissance

D’accord. Ils étaient tous d’accord. Ils vivraient en quasi autarcie, élèveraient des poules, des poulets, des lapins, des porcs, des brebis, des chèvres... Les légumes pousseraient dans des jardins en carrés sous les auspices de la permaculture et de l’influence de la Lune réunis.

Isabelle confectionnerait des souliers en cuir. Françoise tisserait la laine des brebis et elle taillerait et coudrait les vêtements. Simon bâtirait la bergerie, la chèvrerie, les clapiers, le poulailler et la porcherie. Jessy trairait les chèvres et ferait du fromage frais. Marco cueillerait les baies sauvages, les bleuets... et ferait des confitures, des compotes. Andy planterait du houblon. Jacquotte ferait les semis pour la communauté dans sa pouponnière, elle est bien exposée. On échangerait les œufs contre de la farine, de l’orge et du sucre ; l’orge pour qu’Andy brasse la bière avec son houblon et le sucre en attendant que l’érablière de Ruddy produise le sirop d’érable en quantité suffisante. Tous ensemble, une fois la semaine, on ferait le pain dans le four que Simon avait déjà monté l’année passée.

Et puis on discuta de savoir qui tuerait les poulets, les lapins, les chevreaux, les agneaux et les porcs ; personne ne leva la main. Un ange passa.

De sous la table où jouaient les petits, une voix fluette s”éleva :
— Et si on devenait végétariens ?
Végétariens ?...

À ce moment-là, Maguy, depuis ses fourneaux, lança à la cantonade :
— Qui veut du beurre sur sa toast pour accompagner les œufs au lard ?
Toutes les mains se levèrent dans un bel ensemble qui fit plaisir à voir, y compris les menottes enfantines. L’odeur du bacon frit emplissait la pièce.

Végétariens,végétariens ! Faut réfléchir ! André possède un cellulaire, on pourrait lui demander de trouver un tuto sur internet qui enseigne comment dépouiller un lapin et saigner une volaille ? Et qui saigne une poule saigne un porc !
D’accord ! Ils tombèrent tous d’accord. Toutefois on n’avait rien décidé pour le beurre : on achèterait quelques vaches où on produirait assez d’œufs pour faire le troc ? On en reparlerait. À présent, on se calait bien l’estomac ; la matinée de travail serait longue et les protéines animales bien utilisées.
— Maguy, il reste un peu de bacon ?
9 juillet 2019

Curieux oiseaux

Oh, ça devient grave ! Dans le livre « ... les curieux ne viennent plus... » et dans ma tête « ... les oiseaux ne viennent plus... »

Depuis longtemps déjà, j'entends mal et j'interprète les mots que je perçois indistinctement. Désormais, je vais devoir compter avec des yeux buissonniers.

Depuis combien de temps cela dure-t-il ?

Si les mots dévient, ça devient grave...

 

Pardon, tu peux relire ça lentememt pour moi s'il te plaît !

4 juillet 2019

« J'suis snob... »

Le radio-réveil ne fonctionne plus. Depuis une dizaine d’années. J’avais essayé de le démonter et de nettoyer les contacts. En vain. J’ai remonté soigneusement toutes les pièces. Il est toujours près de mon lit. Il ne fonctionne plus.

La petite radio de la salle de bains grésille depuis belle lurette. Le potentiomètre s’est cassé lors d’une chute : pas moyen de recaler la fréquence correctement.

Le lecteur radio CD de la cuisine partage la prise électrique avec la cafetière. Je dois à la vérité de dire que j’écoute plus souvent la cafetière que France Inter. Toujours la même température, saveur identique à toute heure, disponible à n’importe quel moment. La cafetière est branchée 24 h sur 24.

La télé ? J’ai fait comme Boris Vian à qui j’ai emprunté le titre de ce poulet. Pour le suaire, néanmoins, pas besoin qu’il vienne de chez Dior, personne n'fait plus ça, je ferai  composter mes organes.

 

3 juillet 2019

Dictée

Je suis allé lire la dictée du Brevet des collèges, version 2019 :
« Dès qu’ils étaient au complet, ils partaient, promenant la raquette le long des grilles rouillées des jardins devant les maisons, avec un grand bruit qui réveillait le quartier et faisait bondir les chats endormis sous les glycines poussiéreuses. Ils couraient, traversant la rue, essayant de s’attraper, couverts déjà d’une bonne sueur, mais toujours dans la même direction, vers le champ, non loin de leur école, à quatre ou cinq rues de là. Mais il y avait une station obligatoire, à ce qu’on appelait le jet d’eau, sur une place assez grande, une énorme fontaine ronde à deux étages, où l’eau ne coulait pas, mais dont le bassin, depuis longtemps bouché, était rempli jusqu’à ras bord, de loin en loin, par les énormes pluies du pays. »

Premier souvenir « Dès qu’ils... », je repense toujours à cette hésitation, dans une phrase du genre : « Les poules sortaient dehors, des cons leur  avaient ouvert la porte... », hum “des cons” ou “dès qu’on” ? Hésitation.

Sinon, j’aurais fait une faute à glycine ; à 14 ans j’ignorais et le mot et la chose ; cette liane était inconnue dans mon quartier. Peut-être aurais-je écrit comme piscine ?

Sinon encore, des imparfaits, peu d’homophones (attraper/attrapé ; bouché/boucher ; rouillées/rouiller ; bondir/bondirent ; rempli/ remplit ; endormis/endormit ; la/là) et pas mal de marques du pluriel. Du vocabulaire élémentaire (chat, jardin, maison, école, rue, place, eau, fontaine, pluie, jet d’eau, bassin), deux mots plus difficiles : champ, (oui champ, tant d’écoliers sont tentés d’écrire champs même au singulier, par contagion avec temps sans doute) et ras bord (trait d’union, ou pas... ras ou rat, voire raz), trois peut-être avec station. L’accent grave de poussièreuse, qu’on entend mieux au féminin qu’au masculin. Bref, suffisamment de petites choses glissées ici ou là pour exiger de la concentration. Les dictées d’entraînement ont dû, bien souvent, cacher plus de pièges. N’empêche, celui qui aura fait zéro faute pourra se montrer fier. Albert Camus, quand même, et glycine !

Je me rappelle cette anecdocte rapportée par Jules Renard lui-même. Jules Renard, mort jeune, et dans la prose duquel les institueurs de jadis tiraient, de son vivant, des dictées à donner aux écoliers.
Un de ces élèves, ignorant qu’au salon de son père se trouvait précisément ce Jules Renard chez qui on avait extrait quelques lignes pour sa  dictée du jour, qui sourit et déclare à peu ceci :
« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ! » Il voulait dire que les dictées de Renard ne cachaient guère de pièges. Moi qui ai nommé ce blog “la poule pond”, j’aurais pris cela comme un compliment.
27 juin 2019

Mais pas que...

Parfois, en écrivant, j’ai la sensation très nette que le mot que je viens de poser sur la feuille (ou sur l’écran), sans qu’il soit nécessairement rare, n’appartient pas à mon vocabulaire. Un mot dont je connais le sens, que j’ai lu de nombreuses fois, peut-être prononcé... mais jamais écrit.

Ce serait le cas de foucade, vanity-case ou sédatif. Je peux me tromper et quelqu’un me montrera du doigt un texte vieux de douze ans ou moins contenant l’un de ces mots (les 3 dans le même, ce serait fort).

Hier, ou avant-hier, ou voici quelques jours, je lisais le compte rendu d’un entretien entre Julie Rambal, journaliste pour letemps.ch et Michel Serres. Une autre sensation, voisine de celle que je viens d’évoquer,  s’est imposée à moi : Je n’ai jamais encore écrit le mot « apothéose ». On dirait la même sensation, mais non, là, je n'avais pas encore écrit le mot.

Apothéose !
C’est que Michel Serres en donnait une illustration qu’il faisait remonter aux origines de la chose qu’elle désigne. Ignorant que j’étais. J’aurais dit : émerveillement, final grandiose, épanouissement sublime, triomphe, voire aurais-je poussé, prenant la voix d'Arletty, en hommage à Queneau et à Zazie sa créature, un trivial « Ah ben ça, c’est l’apothéose ! » pour dire « C’est l’bouquet ! »

Michel Serres évoquait Johnny Hallyday, comparait sa cérémonie funèbre (enfin celle qu'on a voulu lui donner) à celle de la déification d’un empereur romain, ou d’un héros du peuple, après sa mort. Théo, j’aurais pu trouver tout seul. À ce sujet, Michel Serres livrait sa pensée : «... les foules continuent à produire du polythéisme. » Polythéisme, un autre mot que je viens d’écrire pour la première fois (si je veux bien excepter mes années de collège et de lycée).

La transformation d’un homme en dieu (sans majuscule à dieu).

À bien réfléchir, je n’avais jamais, non plus, écrit Michel Serres, lequel Michel ne parlait pas que de Johnny ; il évoquait également la nécessité de changer de culotte tous les jours.
Michel Serres ?
Oui, Michel ! et d’aspirine, de biochimie, de Voltaire, d’Ésope, des Cathares,  de « balance ton porc » et des institutrices qui croient que les vaches n’ont pas de cornes parce que ce sont des femelles, mais pas que... (enfin, « mais pas que... » c’était pour dire que cette expression,  « grammaticalement incorrecte » il la trouvait très drôle.)
17 juin 2019

Chroniques de derrière les fagots

d'Iphigénie Colembole,
Correspondante locale de la Gazette
pour la C.D.C. Val-et-Hauts de Braire

LOUVREAU :
 « En passant près des épinettes, Marie-Gabilette a perdu sa houlette... » chante Léna en revenant de l’école. Prière à qui retrouvera la houlette de se faire connaître en mairie. Merci !
 
BÉROUIN :
Appuyée sur sa canne, Josette Lepentu, arrivant sur la place du Marché, a été très surprise de constater que l’agence du Crédit agricole était transférée au chef-lieu d‘arrondissement.
« Et comment, je vais encaisser mon chèque, moi... » l’aurait-on entendu marmonner alors qu’elle tournait les talons.
 
PUSSARD :
Mardi soir, en fermant ses volets, à la tombée de la nuit, Marcel Maillard s’est étonné qu’une voiture soit stationnée devant le numéro 6 de sa rue.
Mercredi, à 6 h 28, le retraité, constatant que l’emplacement était désert, a remis à plus tard sa décision de porter plainte à la gendarmerie. Il avisera des suites à donner à cette affaire après avoir entendu les conseils de la boulangère.
 
OUBLIEUX :
« Vandalisme, vandalisme ! » l’adjointe à la culture d’Oublieux ne décolère pas. Le lavoir municipal, dont la peinture des murs intérieurs avait été refaite à neuf, par le club les Cheveux blancs, au printemps de l’année dernière, a été recouverte de dessins du plus mauvais goût. Toutefois, la scène du crime ayant été bâchée, il n’a pas été possible à votre correspondante locale de mesurer l’étendue des dégâts. Une trousse d’écolier avec des crayons de couleur a été trouvée sur place. Le garde-champêtre mène l’enquête. Nous vous en dirons plus quand les délinquants auront été identifiés.
À suivre...
 
SAINT-VILAIN :
Parce qu’une oie s’est échappée de l’enclos où les volailles étaient enfermées, madame Augustine Stockfish n’a plus désormais que six oies alors que la veille encore elle en avait sept.
 
BOUC-EN-SAUCE :
C’est reparti ! comme chaque automne, entre fin octobre et début décembre, les feuilles des tilleuls de la place de l’église, emportées par le vent monotone, s’amoncellent dans les caniveaux circonvoisins.
Le comité de retraités et de rentiers chargé de contrôler l’efficacité et la minutie du travail de l’employé municipal affecté au balayage recrute des volontaires. Se renseigner auprès du buraliste.
 
MOUCHETROT :
 L’arbre centenaire qui menaçait de s’effondrer au carrefour de la Piquetière a été abattu, jeudi matin, par monsieur Jean-Jacques Droidessus, assisté pour l’occasion par deux des employés de la communauté de communes Val-et-Hauts de Braire. Le vénérable ancêtre, un poirier haut de près de onze mètres, est tombé dans le champ de monsieur le maire sans occasionner de dégâts. Petite surprise néanmoins, le tronc était creux. « On pourrait y mettre le bras... » a déclaré Jean-Jacques et, pour prouver ses dires, il l’a fait ! Monsieur le maire a d’ailleurs pris une photo qu’on pourra admirer dans l’édition de l’année prochaine du bulletin intercommunal.
 
 
BOIS-DORMANT :
Madame Yves de Seein-Tonnerre, la doctoresse de Bois-Dormant informe sa patientèle qu’à compter du soir du 31 mars prochain, elle cessera d’exercer ses activités. En effet, à quatre-vingt-deux ans, notre médecin entend profiter d’une retraite qu’elle estime méritée. Son fils, Marie-Pierre de Seein-Tonnerre, longtemps pressenti pour la remplacer, a finalement renoncé, plongeant la population dans le désarroi. Le maire de Bois-Dormant, monsieur Dominique Jeanne, a osé un jeu de mot que personne n’a eu le cœur de relever : « On ne sait plus à quel saint se vouer ! »
 
ROQUETIN-sur-BRAIRE :
Samedi soir, en sortant de la séance de 21 h 00 du cinéma Les Feux de la Rampe, qui donnait Le Cuirassé Potemkine mademoiselle Amandine Dupin s’est aperçue qu’elle avait oublié son téléphone portable sur un siège. Elle est retournée à l’intérieur de la salle et a retrouvé l‘objet en question. À son père qui s’impatientait dans la voiture et qui lui demandait ce qu’elle « fichait » (sic !) elle a répondu : « J’avais oublié mon téléphone à l’intérieur. » Le papa aurait lâché : « Ah bon ! »
 
BIQUENOTRE-sur-BRAIRE :
Samedi, en descendant du train de Paris de 7 h 17, monsieur Joachim Joachim fils a failli se donner une entorse à la cheville. Heureusement, plus de peur que de mal !
 
SAXIFRAGE-les-HOUX :
Monsieur le curé, l’abbé Rimbaud, tient à préciser qu’il n’officiera plus dans l’église Saint-Vermichel tant que la toiture emportée par la tempête d’août n’aura pas été réparée : « Au moment de l'élévation, un arbre, par-dessus le toit, berce sa palme, c'est trop... »
Madame la maire, Pauline Verlaine, a assuré que la sous-préfète de Pussard avait déposé une demande de reconnaissance de catastrophe naturelle en haut-lieu : « Comprenez, l'eau verte pénètre la coque de sapin [de la charpente], et je ne vous parle pas des taches de vins bleus ou des vomissures... » comme dit madame Verlaine qui a le sens de la métaphore.
 
LES GUEULINS :
Sur le parking du supermarché des Gueulins, une dispute a éclaté dimanche matin, entre deux clients dont l’un avait bousculé le chariot à provisions de l’autre. Heureusement la pluie s’est mise à tomber violemment faisant cesser l‘escarmouche.
 
SAINT-VILAIN :
Mercredi, le préposé à la distribution, monsieur Amédée Tampon, a trouvé une lettre non affranchie en relevant la boîte jaune du hameau des Pigasseries. Le destinataire lui étant inconnu et l'expéditeur n'ayant, hélas, pas mentionné son nom (ni son adresse) Amédée a déclaré : « C'est ballot, si j'avais su qui avait écrit cette lettre, je lui aurais signalé son oubli ! »
 
LOUVREAU :
Droit de réponse.
 
La jeune Léna tient à faire savoir que ce n'est pas elle qui a perdu sa houlette, d'ailleurs dit-elle : « J'sais même pas c'que c'est une houlette, c'est Marie-Gabilette qui l'a perdue, pas moi ! »
Inutile donc de venir ennuyer la secrétaire de mairie de Louvreau avec cette histoire.
En revanche, ajoute la jeune écolière, « j'ai perdu ma trousse avec mes crayons de couleur, si quelqu'un l'avait trouvée, ça m'arrangerait bien, ils étaient tout neufs. J'voudrais pas être grondée par la maîtresse. »

 

21 mars 2019

Une bride* bleue

—  Une bride bleue.

— Une bride ?

Enfin, un harnais, mais bleu. Pas bleu marine, ni bleu nuit, un joli bleu lagon.

Lagon ?

— Presque turquoise, laiteux. Couleur menthe à l'eau. Pas la menthe verte du diabolo de l'enfance, celle de ton arrière-grand-père en guise d'apéritif, pour prix de mon silence, pendant sa Suze avec ses copains au bistrot du village.

La menthe bleutée du bonbon dans le tiroir de la table de nuit de Grand-mère  ?

Voilà. Cette couleur-là. Pour une bride ou un harnais.

 

De cheval ? Point. Ni jument, ni hongre, ni mule. Pas d'animal. Une bride ! Dans les airs. Pas au clou dans un sombre box d'une écurie quelconque, ni au fond d'un coffre d'une bétaillère poussiéreuse, ni au bras d'une jolie cavalière endimanchée.

 

—  Une bride bleue pour une cavalière aux yeux bleus.

Des yeux menthe à l'eau ?

Oui, pourquoi pas. Blonde ou brune, grande ou petite, pas plus d'image d'elle que de la monture.

Alors un cavalier peut-être ?

Possible. Un cavalier sur un cheval aux harnais bleu lagon. Aux mains de fer... ou de fine peau ! Aucune idée !

 

Mais cette bride en apesanteur ? En arrière-plan, un paysage entièrement flou, comme un feuillage sylvestre aux feuilles rouges et jaunes, avec encore quelques dernières touches de vert. Une faible profondeur de champ. Objectif 135 mm, diaphragme 3,5, mise au point sur la boucle du harnais. En apesanteur.

 — Ou bien un cheval invisible ?

Un cheval invisible ? Pourquoi pas une licorne ?

Non ! une licorne avec un harnais, quel anachronisme !

Un cheval de verre ? Comme la pantoufle de Cendrillon, alors ! Cheval invisible, cavalière invisible. Univers des contes de fées, probable !

 

Dans ce cas, rien d'impossible. Bride bleue, sabots de verre, princesse amazone nue, cheveux en cascade sur les épaules, peau contre peau... ou cavalier fantôme, la tête sous le bras. Épreuve ? Châtiment ? Mauvais sort ? Pourquoi seule la bride de cuir bleu ? La bride et une boucle en métal.

 — Une seule boucle ?

Trois ! Trois boucles en réalité. Métalliques, propres.

Neuves ?

— Oui, neuves. En acier chromé ou nickelé ; des angles doux et polis.

 

Jolies boucles, beaux objets, reflets de l'amour de l'artisan au travail. Peut-être trois boucles comme mille autres. Mais celles-ci, sur une bride menthe à l'eau, sous les yeux du pèlerin.

 

Mais cette cavalière si nue, plus que nue : invisible !

Pourquoi ?

Mais ce cavalier sans tête, sans corps, sans membres, comme un couteau sans lame et sans manche ?

Pourquoi ?

Mais cette monture si nue, plus que nue : indicible !

Pourquoi ?

Pourquoi seule la bride dans les airs suspendue ?

Pourquoi bleue ?

Pourquoi ce bleu, précisément celui-ci ?

 

Pas de réponses. Pas de bruits non plus. Aucun oiseau dans ce tableau, aucun animal, aucun son de cloche dans le lointain. Pas même un souffle de vent ni un seul chuchotis. Seulement cette bride et l'imagination du pèlerin devant l'apparition.

 

Paupières closes. Un, deux, trois. Cils vers le bas,

Yeux ronds. Un, deux, trois. Cils vers le haut,

Closes.

Ronds.

En bas.

En haut.

Rien de neuf, toujours ce bleu lagon aux contours si nets sur le jeu des taches végétales. Une bride bleue et l'âme de la langue en échec. Pèlerin sans verbe.

 

Fin

 

* Une bride, Grand-père ? Sûr ? Une bride ? Pas un licol ? Et du cuir ! Parce qu'un licol en nylon bleu pour 15, 99 € en vente flash sur Amazon, demain dans ma boîte à lettres. Cap ou pas cap ! Par carte gold ! Pas de frais de livraison. Merci Grand-père. La classe, ce licol. Lady Godiva, ma jument, en bleu lagon, les copines vertes de jalousie, moi rose de satisfaction et toi plus léger de 15,99 €, super. Grand-père, tes rêves d'après-midi, avec ou sans verbes, en 24 heures chrono dans ma boîte à lettres ! Aux orties la magie des frères Grimm ! Un petit rêve de selle pour demain ? Bisous, beaux rêves, à demain Grand-père.

25 mars 2019

Amour est féminin au pluriel

Le sourire vertical 

 

Ma mère était une ogresse. Pas celle des contes de fées qui tartine des enfants sur des pains de deux livres au petit déjeuner. Non, une ogresse. Une vraie. Manger des enfants ? Quelle idée ! Sa bouche n'était que bécots, suçons, léchouilles pour sa progéniture qu'elle avait nombreuse.

 

Par fournées de douze qu'elle les pondait ses chiards. J'étais le cinquième de la huitième portée. Six mamelles à gauche, autant à droite. Personne n'aurait osé lui dire en face qu'elle ressemblait à une truie. D'abord parce que c'était inexact et surtout parce que c'était faux !

 

Ma mère, l'ogresse, était belle comme le printemps après six mois d'hiver. Elle bouffait les hommes. Pas par la bouche.

 

Mon père — que je n'ai pas connu — n'enlevait jamais ni ses bottes ni son chapeau pour faire l'amour. Il a aimé ma mère ; elle l'a aspiré — comme ses autres amants avant lui et après — la queue d'abord, les boules, slurp... et le bonhomme entier, avec ses bottes et son chapeau.

 

Le chapeau ? On n'a jamais su ce qu'il était devenu, mais moi, en naissant, j'avais une ceinture en cuir avec une boucle en acier autour de la taille, mon frère des mocassins à franges – ma mère avait aimé un chef Iroquois — et mes sœurs une bague à chaque doigt et des anneaux aux oreilles — ma mère avait passé trois semaines dans un camp de prospecteurs d'or dans le Klondike.

 

Deux garçons, dix filles, c'était une belle portée, souvent il n'y avait qu'un seul garçon. Alors cette fois-ci, deux, c'était beaucoup. Les ogres n'ont pas le même destin que les ogresses. Ils se font prendre. Ou ils racontent des blagues. Ce qui ne vaut guère mieux. Mon frère s'est fait chiper ses mocassins par un mouflet haut comme trois pommes. Il est mort jeune.

 

Elle avait toujours faim, ma mère. Et pourtant qu'est-ce qu'elle avalait ! Slurp ! Et belle ! Si belle ! Et elle sentait bon. C'est son odeur qui attirait ses prétendants. Un jour tout un régiment de cavalerie a manqué à l'appel. Officiers, sous-officiers, soldats, infirmiers, intendance...

 

Le gouvernement a ordonné une enquête. Un détective a retrouvé les traces des sabots des chevaux dans la neige, pas les hommes, ni les chevaux d'ailleurs. Les empreintes s'arrêtaient toutes devant l'emplacement où ma mère avait arrêté sa roulotte.

 

Toujours faim. Il faut dire qu'elle nous allaitait jusqu'à la puberté. Huit portées de douze, pas besoin d'être fort en math pour deviner le nombre de calories à distribuer.

 

 

 

On ne raconte jamais les vraies histoires d'ogresses aux enfants. C'est dommage, ce sont des histoires d'amour moins tartes que celles des princes charmants qui réveillent les princesses endormies. Pourtant, des princes ! Pour un qui réveille sa belle, combien qui ont croisé la route de ma mère ou de mes sœurs, mes tantes, mes cousines...

 

27 mars 2019

BIENVENUE dans VOTRE SUPERMARCHÉ

— Bonjour Suzanne, comment allez-vous ? Et votre mari ?

— Roger ? Hier, il m'a dit qu'il allait jardiner car il faisait beau. Je lui ai répondu que c'était une bonne idée mais qu'il fallait qu'il se change avant de mettre le nez dehors. Il est monté dans notre chambre, s'est changé et il est redescendu en... pyjama. En Pyjama ! à 14 heures... pour aller jardiner ! C'est dur, vous savez.

28 mars 2019

Suivre le fil

Je me suis promis de pondre un billet joyeux, après le bien plombeur d'ambiance de ma rencontre avec Suzanne dans le hall du supermarché. Laissons-le mûrir, le billet joyeux. En attendant, un commentaire de Clelia à propos des curieux effets de la bière sur un certain Irlandais fait remonter un souvenir.

[La bière provoque en tout cas des réflexes surprenants, j'ai observé ça en Irlande. J'ai même vu un gars qui rentrait chez lui les yeux fermés, bras légèrement écartés... À peine croyable ! J'en ai déduit que certains disposaient d'un dispositif d'autoguidage (ou d'écholocation, peut-être).]

 

Au Québec, un soir, mon épouse et moi dormons chez Dexter, le père spirituel de notre gendre, son modèle, son formateur, son associé, son ami. Beaucoup pour un seul homme ? Attendons, ce n'est pas terminé.

 

Par où commencer ? Enfin continuer, car commencé, c'est déjà fait. Dexter exerce deux professions (en plus de restaurateur de maisons anciennes, de bûcheron, de charpentier, d'électricien, d'éducateur de quartier et d'urbaniste) il est plombier-chauffagiste (ça fait un, le trait d'union faisant foi) et psychologue. Dans la Belle Province, ça ne surprend personne. Ce n'est pas le sujet de ma narration.

 

Je voulais parler de bière. De bière ou d'Irlandais ? Je n'ai pas été clair. À moins que ce ne fût d'écholocation, Ou des trois. Ou d'autre chose. J'y viens.

 

Dexter est métis. Son père : amérindien ; sa mère : caucasienne (je dis caucasienne car canadienne n'a aucun sens). Caucasienne, c'est-à-dire issue de l'immigration européenne ; peut-être 50% de gènes irlandais ? Nous n'avons pas exigé de test ADN. Ah, on commence à y voir clair. « Y voir clair », retenons cette expression, elle va prendre du sens au fil (encore un indice) du récit.

 

J'ai écrit « amérindien », Dexter, lui, dit « indien ». Quand il était enfant, Dexter a reçu une initiation de son père. Il était déjà grandelet ; son père l'a conduit dans la forêt. De nuit. Une forêt dense. Il avait choisi, le père, une nuit sans lune.

Maintenant Dexter (nous n'avons pas su, ni demandé, si l'enfant avait un prénom indien, sans doute Dexter avait été choisi par la partie irlandaise du couple) tu vas marcher devant.

Mais, Papa, les arbres ?

Tu vas t'efforcer de deviner leur présence. Concentre-toi bien.

 

À chaque nuit sans lune, le père a conduit son fils dans la forêt. Très vite, non seulement le gamin a su avancer dans la forêt sans se heurter aux arbres mais aussi il a couru, de plus en vite, en percevant la présence des arbres. Les bras le long du corps, il a couru.

 

Toi qui tâtonnes dix minutes pour retrouver tes lunettes sur ta table de chevet, tu écoutes ça comme si tu soupais avec le capitaine Nemo à bord du Nautilus. Ça te fait le même effet.

 

L'histoire va bientôt commencer. Tout ce qui précède n'est que préambule.

 

Dexter travaille en France. À cette époque, il n'est encore que bûcheron. Un gros chantier d'hiver l'occupe avec quelques camarades dans les Pyrénées. Un camarade, précisément, se blesse gravement. Pas de chirurgien sur la coupe de bois. Pas de téléphone, évidemment. Pas de véhicule, sinon un engin de chantier archaïque dont le moteur carbure au gaz de bois et dont les phares ne fonctionnent pas (ou même qui ne possède pas d'éclairage, tout simplement). Le camarade perd son sang. Il va mourir.

 

Dexter fait installer le camarade à l'arrière de la guimbarde. La nuit est tombée, le ciel bas, le sol enneigé. Dexter ne connaît pas la route. Son camarade perd son sang. Il faut le conduire à l'hôpital. Il part, seul, Dexter, seul avec le mourant. Des précipices élevés sur sa gauche, des gouffres sur sa droite. Mais « je n'étais pas seul » nous dit-il. Devant lui, il voit un point lumineux qui lui montre la route, il le suit, à travers les lacets de la route pyrénéenne. Un point lumineux qui dessine un fil jusqu'en bas, jusqu'à la vallée, jusqu'à l'hôpital. Dexter conduit dans l'obscurité, le camarade geint, le bruit du moteur est comme étouffé par la neige qui tombe. Il suit le fil, Dexter. Il se souvient de son initiation, Dexter. Le camarade a été sauvé.

 

Alors, l'Irlandais du commentaire de Clélia, je ne suis pas surpris qu'il soit rentré chez lui les yeux fermés. Le métissage a été profitable à Dexter. Et au camarade qui perdait son sang.

 

Bien sûr, libre au lecteur de penser que peut-être Dexter, en plus de tout ce que le narrateur a montré de lui, est un formidable conteur. Peut-être ? En attendant, le jour où il se sectionnera un bras en se taillant les ongles, ça le rassurerait, le narrateur, que Dexter fût dans les parages.

1 avril 2019

À couper au couteau

On ne peut pas se tromper. Avant d'arriver à l'étang, c'est la première route à gauche. La première et la seule. Pas de confusion possible. Sur la droite ce n'est qu'une succession de pavillons individuels. La première. Un vieux mur couvert de lierre. Tu vois le vieux mur, Nicole ? Je sais que tu vois. Tu as l'œil pour repérer les végétaux. Un vieux noble lierre qui couvre un vieux mur de vieilles pierres roturières. Tu tournes à gauche AVANT l'étang. Tu longes le mur au lierre sur une centaine de mètres. C'est là. On ne peut pas se tromper.

 

Mais comment elle a fait pour se perdre ? On ne peut pas se tromper. Une seule route. Une seule sur la gauche. Avant l'étang. Elle a dépassé le mur au lierre, a longé l'étang (je lui avais dit AVANT l'étang), a filé vers la déchèterie, a dépassé la ferme des Jean, et là, j'imagine, elle a commencé à se poser des questions.

 

J'ai fait un demi-tour sur le parking de la coopérative, suis revenue sur mes pas, ai de nouveau longé l'étang puis j'ai tourné à droite en arrivant au vieux mur au lierre. Pas de quoi en faire une salade. À peine vingt minutes de retard.

 

Sur le coup, ça m'a surprise. Je suivais la voiture de Nicole. Elle n'a pas ralenti en approchant du vieux mur. Elle a filé tout droit. Je n'ai pas réfléchi plus, j'ai mis mon clignotant et j'ai tourné à gauche. J'ai appelé Pierrot pour lui dire que j'avais vu filer Nicole vers la déchèterie. « Elle est pas ouverte à cette heure ! » C'est tout ce qu'il a trouvé à dire, ce grand dépendeur d'andouilles.

 

On est quel jour, Maman ?

 

Quoi, quel jour ? Aujourd'hui ? Je ne sais pas. J'ai oublié ton anniversaire ? Tu es née en juillet ! Ne me raconte pas d'histoires, on sort tout juste de l'hiver. Tu crois que je perds la boule ? C'est ça, tu te dis que ta mère est folle ? Il y avait un brouillard à couper au couteau, ce matin. Je ne l'ai pas vue cette saloperie de mur.

 

Maman, il n'y avait pas de brouillard ce matin.

 Dans ma voiture, ma chérie, il y en avait. À couper au couteau... On est mardi 2 avril, là. Tu es rassurée. Mardi 2 avril. Tu veux aussi que je te donne le code de l'entrée ?

 

— Maman !

Oui, pardonne-moi ma chérie, je pensais encore à lui. Bien sûr. Je sais... ce n'était pas du brouillard. Ne dis rien... Je sais...

12 mai 2019

CARTE POSTALE

11 mai 2019

 

Une petite maison de bois à la remorque d'un tracteur sur une route canadienne à deux voies. Sur le pas de la porte ouverte, un déménageur barbu en veste à carreaux fume sa pipe, appuyé au chambranle, comme s'il prenait le frais en fin de journée en attendant que sa soupe refroidisse, alors qu'en réalité il fait face à un long convoi de véhicules que la double ligne jaune continue dissuade d'effectuer un dépassement risqué.

 

La procession roule à 5 km/h. Personne ne s'énerve. La petite maison de bois avance à son train de sénateur. Le déménageur frappe le fourneau de sa pipe contre le talon de sa botte d'eau puis rentre en refermant la porte derrière lui. La soupe doit être juste comme il faut.

 

Un peu plus tard — entre le fromage et le dessert ? —, la petite maison de bois prendra un chemin de terre sur la gauche.

 

Bien à vous,

P h i l i p p e.

 

 

12 mai 2019

 

Mise au point : Ce matin, autour de la table du déjeuner, les petites-filles tiennent à ce que je précise que :

1/ Le déménageur s'appelle Jérémy ;

2/ Qu'il n'est pas déménageur, mais charpentier ;

3/ Qu'il ne fumait pas la pipe mais qu'il jouait avec son cellulaire.

 

Calisse de pays où tout le monde connaît son voisin et où les cartes postales sont déjà floues avant que l'encre ne sèche.

 

Encore deux heures et je risque d'apprendre que ce n'était pas un tracteur qui traînait une maisonnette sur la route mais un escargot sa coquille.

 

Je poste avant de devoir refaire toute ma copie.

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