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La poule pond
22 mars 2019

Départ huit heures

Il est le dernier.

Il ne se retourne pas, mais s'il le faisait, il ne verrait personne.

Ils sont tous devant lui.

Loin devant.

Très loin.

Il ne voit plus l'avant-dernier depuis des jours et des jours.

Le dernier.

À quoi bon marcher ? C'est fini. Il a perdu. Il est le dernier.

Il s'assied.

Il est le premier.

À s'asseoir.

Depuis qu'ils sont partis, il aurait dépassé ceux qui se seraient assis.

Déjà, il est parti le dernier. Pas de beaucoup, mais le dernier quand même.

Rien de rédhibitoire, mais, sur la ligne de départ, il n'y avait plus personne.

Personne. Ni journalistes, ni hôtesses, ni public, ni arbitre officiel. Pas un chat.

Tout le monde était parti.

C'était prévu, organisé, planifié. Départ à huit heures.

Huit heures une. Plus personne,

Comment une telle foule a-t-elle pu, en une minute, partir comme un seul homme ?

Il ne sait pas.

Une minute de retard. Personne. Plus un chat, ni un oiseau, ni un papier poussé par le vent.

Personne.

Devant lui, une foule compacte. De dos. Tous de dos.

Ses amis ? Sa famille ? Ses collègues ? Devant.

Il n'a rattrapé personne, n'a vu personne qui aurait abandonné et qui se serait assis.

Pas vu un ami qui l'aurait attendu.

Pas vu sa femme ou un de ses enfants.

Pas vu un voisin, une connaissance.

Ils avaient dit : « Lundi huit heures, tout le monde sur la ligne et on part. »

Huit heures une ! Plus personne.

Il pense à l'avant-dernier, qui croit être le dernier, qui finira pas s'asseoir et qui donnera sa place à...

Et si un autre que lui avait eu du retard ?

L'idée vient de le frapper là.

Si un autre — une autre — que lui avait manqué le départ ?

De deux minutes.

Un autre qui marcherait moins vite que lui. Ou une autre.

Il tourne la tête. Il ne voit rien. N'empêche, il se relève.

Il part en sens inverse. Il sourit. Si tous l'imitaient, il serait le premier.

Ou le deuxième, si l'autre — homme ou femme — avait manqué le départ et fait demi-tour avant lui.

Il ne se retourne pas, il a trop d'avance sur celui qui était l'avant-dernier.

Il ressemble à quoi ? À qui ? Celui qui a manqué le départ de deux minutes.

Va-t-il le — la — croiser ou le — la — rattraper ? Ou ni l'un ni l'autre ?

Un pas puis un pas. Il marche.

Il rentre.

Il ne sait plus s'il est premier, dernier ou deuxième.

Il rentre.

 

Sans soif, ni faim, ni fatigue, ni sommeil, ni hygiène, sans jour ni nuit, ni réalisme, ni humour ; en somme, une histoire sans...

 

 

 

Sans-gêne

 

Il a sorti un livre de sa poche et tous les voyageurs les regardent. Le livre et lui ! C'est suspect. Tout le monde a son portable à la main, écouteurs aux oreilles. À la station François Truffaut, six CRS montent dans le wagon. Qui l'a dénoncé ?

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Commentaires
P
Bien vu Clelia.<br /> <br /> « We few, we happy few, we band of brothers »
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C
Ah... mais rien ne remplace le plaisir de tourner lentement les pages d'un livre... Et l'odeur du papier ? Le numérique n'apportera jamais ces sensations là... J'aime autant courir dans l'autre sens moi aussi, à ce compte-là ! ;-)
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P
Il y a quelques semaines, Coralie nous a envoyé une photo prise dans le métro : trois personnes tenaient un livre à la main. Elle a tenu à prendre la photo et promis d'en faire autant le jour où elle en compterait quatre. De là à finir en cabane… c'est encore de l'anticipation.
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V
Quand, vraiment, sortir un livre sera suspect... <br /> <br /> Cela me rappelle un roman lu par Gabriel (et moi) il y a peu.
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