Trachée
« Alors, Jean-Lhuile, t'exagères.
Nous planter là, comme ça.
Toute ta vie t'as bouffé des carottes râpées et du blanc d'œuf ; t'as touillé ta mixture de protéines achetée en Chine sur Internet.
Tout ça pour faire le beau en slip de bain rouge cramoisi devant les vieilles de l'aqua-gym.
Et tu nous plantes à quarante balais ?
Toute ta vie presque à poil sur le bord de la piscine, à montrer tes pectoraux et la bosse entre tes jambes dans ton slip rouge. Une vie entière à faire des pompes et des longueurs de bassin et des ronds de jambes aux mamies enamourées. Un bronzage nickel chrome, des abdos en silicone, sec comme un culturiste en compèt, jamais un écart, ni sucre, ni alcool, ni rien que tes carottes et ton blanc d'œuf.
Et vlan ! Pour l'anniversaire de ta femme, tu fais un p'tit effort, y'a tes gosses, le grand a quatorze ans, tu prends une tranchette de rosbif et… merde Jean-Lhuile, t'as oublié comment on fait ? t'avales de travers et tu crèves là sur le carrelage du salon d'une fausse route !
Un morceau de bœuf coincé dans la gorge et tu cadenches d'un arrêt cardiaque. Merde Jean-Lhuile, t'as même pas appris Heimlich à ton môme qui te regarde crever sans savoir quoi faire. Mais merde, Jean-Lhuile, y'a pas qu'les vieilles en maillot de bain à séduire dans la vie.
Une fausse route alimentaire, Jean-Lhuile, tu fais chier. J't'aimais bien moi et faut qu'tu crèves comme un con sur ton carrelage. Tu fais chier… et pis nous, les vieilles, maint'nant, qu'est-ce qu'on s'emmerde à la piscine sans tes roubignoles à hauteur des yeux. »