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La poule pond
25 mars 2019

Amour est féminin au pluriel

Le sourire vertical 

 

Ma mère était une ogresse. Pas celle des contes de fées qui tartine des enfants sur des pains de deux livres au petit déjeuner. Non, une ogresse. Une vraie. Manger des enfants ? Quelle idée ! Sa bouche n'était que bécots, suçons, léchouilles pour sa progéniture qu'elle avait nombreuse.

 

Par fournées de douze qu'elle les pondait ses chiards. J'étais le cinquième de la huitième portée. Six mamelles à gauche, autant à droite. Personne n'aurait osé lui dire en face qu'elle ressemblait à une truie. D'abord parce que c'était inexact et surtout parce que c'était faux !

 

Ma mère, l'ogresse, était belle comme le printemps après six mois d'hiver. Elle bouffait les hommes. Pas par la bouche.

 

Mon père — que je n'ai pas connu — n'enlevait jamais ni ses bottes ni son chapeau pour faire l'amour. Il a aimé ma mère ; elle l'a aspiré — comme ses autres amants avant lui et après — la queue d'abord, les boules, slurp... et le bonhomme entier, avec ses bottes et son chapeau.

 

Le chapeau ? On n'a jamais su ce qu'il était devenu, mais moi, en naissant, j'avais une ceinture en cuir avec une boucle en acier autour de la taille, mon frère des mocassins à franges – ma mère avait aimé un chef Iroquois — et mes sœurs une bague à chaque doigt et des anneaux aux oreilles — ma mère avait passé trois semaines dans un camp de prospecteurs d'or dans le Klondike.

 

Deux garçons, dix filles, c'était une belle portée, souvent il n'y avait qu'un seul garçon. Alors cette fois-ci, deux, c'était beaucoup. Les ogres n'ont pas le même destin que les ogresses. Ils se font prendre. Ou ils racontent des blagues. Ce qui ne vaut guère mieux. Mon frère s'est fait chiper ses mocassins par un mouflet haut comme trois pommes. Il est mort jeune.

 

Elle avait toujours faim, ma mère. Et pourtant qu'est-ce qu'elle avalait ! Slurp ! Et belle ! Si belle ! Et elle sentait bon. C'est son odeur qui attirait ses prétendants. Un jour tout un régiment de cavalerie a manqué à l'appel. Officiers, sous-officiers, soldats, infirmiers, intendance...

 

Le gouvernement a ordonné une enquête. Un détective a retrouvé les traces des sabots des chevaux dans la neige, pas les hommes, ni les chevaux d'ailleurs. Les empreintes s'arrêtaient toutes devant l'emplacement où ma mère avait arrêté sa roulotte.

 

Toujours faim. Il faut dire qu'elle nous allaitait jusqu'à la puberté. Huit portées de douze, pas besoin d'être fort en math pour deviner le nombre de calories à distribuer.

 

 

 

On ne raconte jamais les vraies histoires d'ogresses aux enfants. C'est dommage, ce sont des histoires d'amour moins tartes que celles des princes charmants qui réveillent les princesses endormies. Pourtant, des princes ! Pour un qui réveille sa belle, combien qui ont croisé la route de ma mère ou de mes sœurs, mes tantes, mes cousines...

 

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Commentaires
P
Merci Clelia, c'est vrai que ça ressemble aux blagues que se racontaient les ados de jadis, la tendresse en plus (pas chez les ados… ici ;-))
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C
Jolie blague, bien racontée du coup :) <br /> <br /> (et huit portées de douze, mazette !)
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P
Alors je mets un sous-titre.
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P
Parfois, Valérie, on croit avoir écrit un petit texte parfait et bien rond et une énigme subsiste qui vient en troubler le sens. Cela appelle à l'humilité, j'essaierai de faire mieux une autre fois.
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V
Comment avalait-Elle les hommes au juste? Je n’ai pas bien compris ça...
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