Tripes de poule
Cet homme est une poule.
Pour le raisonnement, un coq, ça ne va pas.
Une poule !
La poule pond.
C'est elle qui fait son œuf, mais la chimie de la fabrication lui échappe. L'œuf est prêt, elle pond. Et encore, c'est toujours la chimie qui lui enjoint d'aller s'asseoir sur la paille.
Elle pond.
Parfois une poule ne pond plus. Demandez à Marie-Claude, elle vous dira, elle dont c'est le métier de mettre en boîte de six, de douze, de vingt-quatre, de soixante-quatre, les œufs frais pondus du jour à « La Ferme de Marie ». Elle va essayer, la poule, ça ne marchera pas.
En ce qui concerne l'écriture, cet homme est une poule . Un texte mature dans ses entrailles. Il ne sait pas trop où. Autrefois, il aurait dit : le cerveau ; maintenant, il paraît que ses intestins seraient aussi mis à tribut. C'est moins noble, mais c'est quand même de l'humain.
Enfin, ça mature.
Laissons mûrir. Fermenter.
Un matin, ou un soir : une démangeaison. Il s'assied devant une page jaune paille et pop, un œuf.
Un œuf ! Bien sûr, c'est lui qui l'a fait, enfin... pondu. Forme parfaite, équilibré, fini. Pas un œuf qui n'aurait pas de coquille, ou vide, pas un coquatrix, non, un œuf parfaitement ovoïde. C'est le moins qu'on lui demande. Plein. Fini. Ça ne se retravaille pas un œuf, c'est terminé au premier essai. Personne n'aurait pu le pondre à sa place. Alors il est à lui. Mais il ne sait rien de son alchimie. Lui, il est le vecteur du texte. Un alambic. Un alambic, avec ses serpentins, c'est intestinal comme objet. Il y aurait du vrai que l'écrit ça sort des tripes.
Tripes de poule !