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La poule pond
31 mars 2019

Parfois, le matin, on se réveille la bouche pâteuse

Je suis un vieux monsieur sérieux, moi. Tous les soirs, après ma prière, je lis Diderot ou Voltaire. Pour nourrir mes rêves. C'est de l'hygiène mentale. J'ai fait tremper mes dents dans un bocal ; j'ai plié mon pantalon comme les jésuites m'ont appris. C'est Toto qui va à l'église avec sa copine : Lapolitesse. Je lis d'Alembert également. Au tome 12, en 1751, pages 916 & 917. L'Encyclopédie est un bon aliment à offrir aux neurones d'un vieux monsieur raisonnable qui tremble de peur à l'idée d'oublier combien font sept fois huit. À ce moment-là, Lapolitesse a envie de faire caca. Eh bien, non, je ne fais que des rêves de merde. Au réveil, nulle inspiration céleste ; Toto — pas Théodore de Bèze, dont j'ai lu la traduction de la bible dans un vieil incunable, non, Toto ! — lui dit d'aller faire derrière l'église. « Tant qu’il y aura des fripons et des imbéciles, il y aura des religions. La nôtre est sans contredit la plus ridicule, la plus absurde, et la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde. » Voyez, avant de me coucher et de souffler ma chandelle, je me souviens de mes lectures clandestines dans les cabinets du pensionnat des jésuites déjà nommés tout à l'heure. Je fais des efforts pour ne rien oublier, sur le métier, cent fois, je remets mon ouvrage. La fille ne se le fait pas répéter deux fois. Mille fois, je relis mes petits carnets à spirale emplis de citations. Mille fois l'an, voyez combien cela fait aujourd'hui. Non, vraiment, je rassemble toutes les conditions pour qu'au matin une céleste pensée nimbe mon front ridé et que, une fois debout et mon café bu, je puisse coucher sur le papier une belle page que l'édition s'arrachera, un éditorial majuscule que la presse étrangère jalousera ou une chronique que le monde des lettres se disputera. Devant le porche, Toto croise le curé : — Bonjour Toto ! Rien. Au matin, rien ! Les Muses — daignez accepter que je couvre leur nudité d'une majuscule : les matins sont frais encore à la campagne — n'ont pas consenti à me souffler quelque sublime prose (j'accepterais même des vers pourvu qu'ils fussent libres). — Salut vieux curé ! Mon esprit est sec, comme un abricot exposé au soleil sur des clayettes à claire-voie. Mon cerveau n'a remué que boue et déjections. Je l'avais alimenté de Diderot, d'Alembert et Voltaire. Le curé lui répond : — Et la politesse alors ? Je n'aspire qu'à l'Écriture, avec une majuscule. À la Recréation. Je veux laisser mon nom dans l'histoire... et quels sont les premiers mots qui me viennent aux lèvres quand le réveil grêle aux matines sonnantes ? — Lapolitesse ? Elle est en train de chier derrière l'église !

 56. Sept fois huit, ça fait cinquante-six.

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Commentaires
P
Larousse dit : Poésie = 1/ art de faire des vers 2/ caractère de ce qui touche, élève, charme. Je n'ai guère cultivé l'art de faire des vers, en revanche, je suis ouvert à ce qui me touche, me charme, m'élève et m'émeut.
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C
:D<br /> <br /> Merci pour le tricotage de neurones, Philippe ! Un très beau texte + une blague de toto = la tête à 56, c'est bien ça, hein ? hein ?<br /> <br /> <br /> <br /> Moi je rêve de jeter la métrique aux orties, de balancer mes chaînes à 2x6 maillons (derrière l'église ?), mais pour l'instant, ma poésie est tout sauf "libérée, délivrée" (oui, j'ai quelques références classiques, faut pas croire :P).
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V
Eh bah voilà! C’etait pas compliqué. Si?<br /> <br /> <br /> <br /> C’eut été quand même plus pratique de séparer la blague de Toto, fripon!<br /> <br /> Il faut lire deux fois. Voire trois.<br /> <br /> Une fois le tout. Une fois en supprimant Toto. Et une troisième, pour le fun, en ne lisant que Toto!
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