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La poule pond
3 juillet 2019

Dictée

Je suis allé lire la dictée du Brevet des collèges, version 2019 :
« Dès qu’ils étaient au complet, ils partaient, promenant la raquette le long des grilles rouillées des jardins devant les maisons, avec un grand bruit qui réveillait le quartier et faisait bondir les chats endormis sous les glycines poussiéreuses. Ils couraient, traversant la rue, essayant de s’attraper, couverts déjà d’une bonne sueur, mais toujours dans la même direction, vers le champ, non loin de leur école, à quatre ou cinq rues de là. Mais il y avait une station obligatoire, à ce qu’on appelait le jet d’eau, sur une place assez grande, une énorme fontaine ronde à deux étages, où l’eau ne coulait pas, mais dont le bassin, depuis longtemps bouché, était rempli jusqu’à ras bord, de loin en loin, par les énormes pluies du pays. »

Premier souvenir « Dès qu’ils... », je repense toujours à cette hésitation, dans une phrase du genre : « Les poules sortaient dehors, des cons leur  avaient ouvert la porte... », hum “des cons” ou “dès qu’on” ? Hésitation.

Sinon, j’aurais fait une faute à glycine ; à 14 ans j’ignorais et le mot et la chose ; cette liane était inconnue dans mon quartier. Peut-être aurais-je écrit comme piscine ?

Sinon encore, des imparfaits, peu d’homophones (attraper/attrapé ; bouché/boucher ; rouillées/rouiller ; bondir/bondirent ; rempli/ remplit ; endormis/endormit ; la/là) et pas mal de marques du pluriel. Du vocabulaire élémentaire (chat, jardin, maison, école, rue, place, eau, fontaine, pluie, jet d’eau, bassin), deux mots plus difficiles : champ, (oui champ, tant d’écoliers sont tentés d’écrire champs même au singulier, par contagion avec temps sans doute) et ras bord (trait d’union, ou pas... ras ou rat, voire raz), trois peut-être avec station. L’accent grave de poussièreuse, qu’on entend mieux au féminin qu’au masculin. Bref, suffisamment de petites choses glissées ici ou là pour exiger de la concentration. Les dictées d’entraînement ont dû, bien souvent, cacher plus de pièges. N’empêche, celui qui aura fait zéro faute pourra se montrer fier. Albert Camus, quand même, et glycine !

Je me rappelle cette anecdocte rapportée par Jules Renard lui-même. Jules Renard, mort jeune, et dans la prose duquel les institueurs de jadis tiraient, de son vivant, des dictées à donner aux écoliers.
Un de ces élèves, ignorant qu’au salon de son père se trouvait précisément ce Jules Renard chez qui on avait extrait quelques lignes pour sa  dictée du jour, qui sourit et déclare à peu ceci :
« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ! » Il voulait dire que les dictées de Renard ne cachaient guère de pièges. Moi qui ai nommé ce blog “la poule pond”, j’aurais pris cela comme un compliment.
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2 juillet 2019

Décroissance

D’accord. Ils étaient tous d’accord. Ils vivraient en quasi autarcie, élèveraient des poules, des poulets, des lapins, des porcs, des brebis, des chèvres... Les légumes pousseraient dans des jardins en carrés sous les auspices de la permaculture et de l’influence de la Lune réunis.

Isabelle confectionnerait des souliers en cuir. Françoise tisserait la laine des brebis et elle taillerait et coudrait les vêtements. Simon bâtirait la bergerie, la chèvrerie, les clapiers, le poulailler et la porcherie. Jessy trairait les chèvres et ferait du fromage frais. Marco cueillerait les baies sauvages, les bleuets... et ferait des confitures, des compotes. Andy planterait du houblon. Jacquotte ferait les semis pour la communauté dans sa pouponnière, elle est bien exposée. On échangerait les œufs contre de la farine, de l’orge et du sucre ; l’orge pour qu’Andy brasse la bière avec son houblon et le sucre en attendant que l’érablière de Ruddy produise le sirop d’érable en quantité suffisante. Tous ensemble, une fois la semaine, on ferait le pain dans le four que Simon avait déjà monté l’année passée.

Et puis on discuta de savoir qui tuerait les poulets, les lapins, les chevreaux, les agneaux et les porcs ; personne ne leva la main. Un ange passa.

De sous la table où jouaient les petits, une voix fluette s”éleva :
— Et si on devenait végétariens ?
Végétariens ?...

À ce moment-là, Maguy, depuis ses fourneaux, lança à la cantonade :
— Qui veut du beurre sur sa toast pour accompagner les œufs au lard ?
Toutes les mains se levèrent dans un bel ensemble qui fit plaisir à voir, y compris les menottes enfantines. L’odeur du bacon frit emplissait la pièce.

Végétariens,végétariens ! Faut réfléchir ! André possède un cellulaire, on pourrait lui demander de trouver un tuto sur internet qui enseigne comment dépouiller un lapin et saigner une volaille ? Et qui saigne une poule saigne un porc !
D’accord ! Ils tombèrent tous d’accord. Toutefois on n’avait rien décidé pour le beurre : on achèterait quelques vaches où on produirait assez d’œufs pour faire le troc ? On en reparlerait. À présent, on se calait bien l’estomac ; la matinée de travail serait longue et les protéines animales bien utilisées.
— Maguy, il reste un peu de bacon ?
1 juillet 2019

No thermometer

Suis sous les noisetiers. Pas soûl. Juste en dessous. « Les noisetiers » ? Oui, pluriel, parce qu’ils sont deux. Un vert et un rouge. On dirait le début d’une histoire de Toto qui veut acheter un perroquet.


Suis sous les noisetiers. La pluie tombe sur la frondaison épaisse. Grosses gouttes. Les noisetiers sont sous la pluie et je suis sous les noisetiers. Allongé dans un transat orange posé sur l’herbe vert-jaune, je noircis une page blanche à l’encre violette sous la pluie dont deux noisetiers, l’un vert et l’autre rouge, me protègent.


La canicule est passée ; les chiens aboient ; le coq chante et le merle siffle ; les deux gros pigeons battent bruyamment l’air redevenu frais de leurs larges ailes.
Sur les feuilles, les gouttes de pluie tambourinent ; dans le lointain un train s’éloigne. La canicule est passée, emportée par le train.


Vendredi matin, alors que je donnais un cours de français sur les systèmes de mesures à une petite poignée de demandeurs d’asile, Hussein me fait remarquer :

— Longueurs, ça va ;  poids, ça va ; les heures, ça va ;  surfaces, volumes, ça va, I understand. Mais thermometer ? Pas comprendre. Soudan, pas thermometer... Soudan, toujours chaud. Here, thermometer, beaucoup chaud, un peu chaud, froid. Don’t understand, pourquoi thermometer ?


Je me demande si Hussein ne soupçonne pas l’instrument de commander le temps qu’il fait.
— Au Soudan, toujours chaud, no thermometer.


Au-delà de l’aspect surréaliste, en l’écoutant, je réalise combien l’importance qu’on donne à cet instrument est inversement proportionnelle à celle de l’information qu’il délivre. « Beaucoup chaud, un peu chaud, froid. »


Je me suis demandé comment faire passer le concept « d’inversement proportionnel » et puis comme il faisait déjà 28,3 degrés dans la salle de cours et 32,6 dehors, j’ai, assez malignement, sorti un thermos de thé glacé gradué en centilitres.
— On va réviser les capacités, et après on trinque.
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