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La poule pond

21 mars 2019

Une bride* bleue

—  Une bride bleue.

— Une bride ?

Enfin, un harnais, mais bleu. Pas bleu marine, ni bleu nuit, un joli bleu lagon.

Lagon ?

— Presque turquoise, laiteux. Couleur menthe à l'eau. Pas la menthe verte du diabolo de l'enfance, celle de ton arrière-grand-père en guise d'apéritif, pour prix de mon silence, pendant sa Suze avec ses copains au bistrot du village.

La menthe bleutée du bonbon dans le tiroir de la table de nuit de Grand-mère  ?

Voilà. Cette couleur-là. Pour une bride ou un harnais.

 

De cheval ? Point. Ni jument, ni hongre, ni mule. Pas d'animal. Une bride ! Dans les airs. Pas au clou dans un sombre box d'une écurie quelconque, ni au fond d'un coffre d'une bétaillère poussiéreuse, ni au bras d'une jolie cavalière endimanchée.

 

—  Une bride bleue pour une cavalière aux yeux bleus.

Des yeux menthe à l'eau ?

Oui, pourquoi pas. Blonde ou brune, grande ou petite, pas plus d'image d'elle que de la monture.

Alors un cavalier peut-être ?

Possible. Un cavalier sur un cheval aux harnais bleu lagon. Aux mains de fer... ou de fine peau ! Aucune idée !

 

Mais cette bride en apesanteur ? En arrière-plan, un paysage entièrement flou, comme un feuillage sylvestre aux feuilles rouges et jaunes, avec encore quelques dernières touches de vert. Une faible profondeur de champ. Objectif 135 mm, diaphragme 3,5, mise au point sur la boucle du harnais. En apesanteur.

 — Ou bien un cheval invisible ?

Un cheval invisible ? Pourquoi pas une licorne ?

Non ! une licorne avec un harnais, quel anachronisme !

Un cheval de verre ? Comme la pantoufle de Cendrillon, alors ! Cheval invisible, cavalière invisible. Univers des contes de fées, probable !

 

Dans ce cas, rien d'impossible. Bride bleue, sabots de verre, princesse amazone nue, cheveux en cascade sur les épaules, peau contre peau... ou cavalier fantôme, la tête sous le bras. Épreuve ? Châtiment ? Mauvais sort ? Pourquoi seule la bride de cuir bleu ? La bride et une boucle en métal.

 — Une seule boucle ?

Trois ! Trois boucles en réalité. Métalliques, propres.

Neuves ?

— Oui, neuves. En acier chromé ou nickelé ; des angles doux et polis.

 

Jolies boucles, beaux objets, reflets de l'amour de l'artisan au travail. Peut-être trois boucles comme mille autres. Mais celles-ci, sur une bride menthe à l'eau, sous les yeux du pèlerin.

 

Mais cette cavalière si nue, plus que nue : invisible !

Pourquoi ?

Mais ce cavalier sans tête, sans corps, sans membres, comme un couteau sans lame et sans manche ?

Pourquoi ?

Mais cette monture si nue, plus que nue : indicible !

Pourquoi ?

Pourquoi seule la bride dans les airs suspendue ?

Pourquoi bleue ?

Pourquoi ce bleu, précisément celui-ci ?

 

Pas de réponses. Pas de bruits non plus. Aucun oiseau dans ce tableau, aucun animal, aucun son de cloche dans le lointain. Pas même un souffle de vent ni un seul chuchotis. Seulement cette bride et l'imagination du pèlerin devant l'apparition.

 

Paupières closes. Un, deux, trois. Cils vers le bas,

Yeux ronds. Un, deux, trois. Cils vers le haut,

Closes.

Ronds.

En bas.

En haut.

Rien de neuf, toujours ce bleu lagon aux contours si nets sur le jeu des taches végétales. Une bride bleue et l'âme de la langue en échec. Pèlerin sans verbe.

 

Fin

 

* Une bride, Grand-père ? Sûr ? Une bride ? Pas un licol ? Et du cuir ! Parce qu'un licol en nylon bleu pour 15, 99 € en vente flash sur Amazon, demain dans ma boîte à lettres. Cap ou pas cap ! Par carte gold ! Pas de frais de livraison. Merci Grand-père. La classe, ce licol. Lady Godiva, ma jument, en bleu lagon, les copines vertes de jalousie, moi rose de satisfaction et toi plus léger de 15,99 €, super. Grand-père, tes rêves d'après-midi, avec ou sans verbes, en 24 heures chrono dans ma boîte à lettres ! Aux orties la magie des frères Grimm ! Un petit rêve de selle pour demain ? Bisous, beaux rêves, à demain Grand-père.

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20 mars 2019

Lâcher prise

Adam a dix ans. Dans son école, des lecteurs bénévoles lisent des albums ou des extraits de livres divers. Projet des enseignantes. Partenariat avec l’association « Lire et Faire Lire ». Les enfants sont, sinon bénévoles, du moins volontaires.

 Un lecteur. Quatre tapis de gym. Six enfants des deux sexes. Trente à trente-cinq minutes, parfois quarante.  Dans ce groupe-ci, le lecteur aime s’allonger à plat-ventre parmi les enfants. Le livre est posé  sur le sol, chacun peut suivre des yeux ou les illustrations ou le texte, ou pas, certains croisent les mains derrière leur tête et regardent au plafond. Certains assis en tailleur.

 Adam, lui, s’endort. À chaque séance. Tout à l’heure, dans la cour, il tapait dans un ballon comme les autres. Pas en reste. Il s’endort, à chaque fois. En moins de dix minutes. Il ne lutte pas contre le sommeil. Il lâche prise et les mots du lecteur le bercent.

 Informée une première fois par les autres élèves, la maîtresse ne dit rien. Désormais les camarades sont amusés, mais eux viennent pour les livres. Depuis le début de l’année, ils se sont habitués. Adam va s’endormir. Le lecteur ne dit rien. Il est surpris de son pouvoir.

 Adam lâche prise. Que rapporte-t-il de son voyage ? Est-ce un sommeil sans rêves ? Adam, ne dit rien quand il est l’heure de se relever. Il n’aide pas non plus à replier les tapis en fin de séance. S’il s’est endormi la première fois et qu’il rejoue la scène à chaque séance, alors c’est un fin comédien ; on jurerait qu’il revient de loin. Ses yeux n'ont pas encore tout à fait repris leur place.

 Hier encore. Le coin de préau habituel étant en travaux, les tapis de gym avaient été installés dans le bureau de la directrice. Le cadre était inhabituel. Le thème du jour : correspondance entre  un Poilu et son épouse, suivie d’une série de lettres de demande en mariage d’un renard à la maman d’une petite poule qu’il aimerait inviter à déjeuner dans son terrier pour sceller l‘union.

 Adam s’est endormi dans le fracas des obus, sans avoir entendu cette dernière lettre d’Angèle à son mari, celle qui a mis la larme à l’oeil  du lecteur (mais lui, ça ne compte pas, c’est une poule mouillée et ça ne date pas d’hier) et de quelques petits auditeurs captivés.

 Adam, lui, fidèle au rendez-vous, a lâché prise.

 Rideau.

18 mars 2019

Tu l'as dit, Boris

« Toulouse : un couple de personnes âgées frappé par des CRS en marge d’une manifestation. » Plus loin, on apprend que « les membres du couple pouvaient avoir entre 55 et 60 ans. »


C'est un peu fort de café ! Cette dépêche matutinale — hommage au grand Philippe (le « Meyer » que j'aie jamais connu) — me chatouille le gland, comme dirait mon époux, et la tasse m'échappe répandant sa liqueur sur le journal puis sur la table qui, bonne camarade, en laisse dégouliner une partie sur le carrelage d'la cuisine. J'en connais un qui s'ra bon pour passer la serpillière, quand il aura fini d'soigner ses écorchures devant le miroir d'la salle de bains.

Oui, j'suis vénère les filles !

1/ Que des personnes âgées soient en couple ?

Nenni, ma sœur Anne, les gigolos ont beau cadancher de bonne heure sous nos cieux pourtant cléments, des Jules et des Marcel qui donnent la paluche à Mémère, on en croise souvent dans les manifs. Ma colère n'niche pas là.


2/ Que l'affaire ait eu lieu à Toulouse ?

Non, Toulouse, Brive-la-Gaillarde ou Conflans-Sainte-Honorine, toutes les avenues du monde mènent Place de l'Étoile. L'affaire a eu lieu à Toulouse parce qu'on n'défilait pas à Ramonville, putain ! Toulouse, ça rime avec Saint-André-de-Briouze. Ça rime avec partouze aussi, c'est vrai, mais c'était pas encore l'heure. C'est pas non plus une raison, mon Loulou, pour laisser croire que Ramonville rimerait avec bouse, on s'comprend. Voilà, cette fois-ci, c'était à Toulouse, circulez, c'est là-bas qu'ça s'passe !


3/ Frappé par des CRS ?

Alors là, non, pas d'colère ici : le CRS cogne, c'est dans ses gènes ; le couple prend une rouste. On l'a bien cherché, on s'y attendait, même qu'on aurait été vexés si les cognes nous avaient offert du muguet. Du muguet en mars ! Des violettes encore, ça aurait été raccord avec les ecchymoses. Coup pour coup, ton sur ton, cogne Gaston. Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les vaches étaient bien gardées ; putaing, les roussins, i' s'y sont mis à  douze quand même.

4/ En marge d'une manifestation ?

Non ! La marge, c'est c'qui s'rapproche le plus de la marche. Une marche occitano-pacifique, atlantico-manifesto-margino-populo, mediterranéo-boulot-dodo, en avant Marge, comme dit mon Homère à moi. 

5/ Entre 55 et 60 ans ?

Oui. C'est ici que gît le hic. Celui de la maxime latine. « Hic jacet lepus. » Je fais sobre où mon Bébert se dilue. Lehicnichlà, il aurait dit en aspirant son « h » si son nez n'était pas tant épaté. J'ai pas dit qu'il sniffait d'la coke, rapportez pas des menteries, mon Rodrigue est sobre comme un trente-cinq tonnes.

5 bis/ Un couple de personnes âgées !

Nom de Dieu, Jésus, Marie, Joseph ! tu pars à la manif pour retrouver tes copines et les frangins à ton gros, histoire d'aller vérifier si le pouls des poulets en batterie derrière leur bouclier antinucléaire en plastique transparent bat la chamade devant tes charmes à consommer mûrs à point et c'est la presse qui te fait prendre vingt piges d'un coup — vingt piges ? je vous en remets dix, ça f'ra trente, c'est le canard qui régale —, comme ça, sans crier ni guerre ni paix, mon Léon. Oh, le môme ! à peine sorti d'l'école de journalisme et déjà équipé d'un port d'armes létales quatre couleurs.

5 ter/ Un couple de personnes âgées !

Non, sa mère le torchait encore hier et il vous crache aux rides ! Mais, ma grand-mère — jeune couillon à barbe molle — ma propre grand-mère, si j'lui accolais un tel attribut au-dessus de la tête, à elle et à son Roméo au crâne calciné auréolé d'une couronne de cheveux blancs, sûr qu'elle me priverait de dessert jusqu'au troisième dimanche après la Pentecôte.

5 quater/ Un couple de personnes âgées !

Messieurs les CRS et mesdames — paraît qu'y a des Roseline et des Mathilde dans vos rangs —, s'il vous plaît, auriez-vous l'extrême obligeance de frapper un poil plus fort. Avec les pieds ? Mais, c'est un honneur que vous nous feriez. On n'est pas v'nus pour voir le défilé, on est venus pour s'faire déglinguer ; et n'oubliez pas mon Nanard, l'est pas encore à la r 'traite l'anar, il serait humilié à moins de quinze jours d'ITT !

5 quinquies/Un couple de personnes âgées !

Putain, le beurre de karité, quel attrape-couillonne, quand même !

17 mars 2019

Tripes de poule

Cet homme est une poule.

Pour le raisonnement, un coq, ça ne va pas.

Une poule !

 La poule pond.

C'est elle qui fait son œuf, mais la chimie de la fabrication lui échappe. L'œuf est prêt, elle pond. Et encore, c'est toujours la chimie qui lui enjoint d'aller s'asseoir sur la paille.

 Elle pond.

 

Parfois une poule ne pond plus. Demandez à Marie-Claude, elle vous dira, elle dont c'est le métier de mettre en boîte de six, de douze, de vingt-quatre, de soixante-quatre, les œufs frais pondus du jour à « La Ferme de Marie ». Elle va essayer, la poule, ça ne marchera pas.

En ce qui concerne l'écriture, cet homme est une poule . Un texte mature dans ses entrailles. Il ne sait pas trop où. Autrefois, il aurait dit : le cerveau ; maintenant, il paraît que ses intestins seraient aussi mis à tribut. C'est moins noble, mais c'est quand même de l'humain.

 Enfin, ça mature.

Laissons mûrir. Fermenter.

 

Un matin, ou un soir : une démangeaison. Il s'assied devant une page jaune paille et pop, un œuf.

 Un œuf ! Bien sûr, c'est lui qui l'a fait, enfin... pondu. Forme parfaite, équilibré, fini. Pas un œuf qui n'aurait pas de coquille, ou vide, pas un coquatrix, non, un œuf parfaitement ovoïde. C'est le moins qu'on lui demande. Plein. Fini. Ça ne se retravaille pas un œuf, c'est terminé au premier essai. Personne n'aurait pu le pondre à sa place. Alors il est à lui. Mais il ne sait rien de son alchimie. Lui, il est le vecteur du texte. Un alambic. Un alambic, avec ses serpentins, c'est intestinal comme objet. Il y aurait du vrai que l'écrit ça sort des tripes.

 

Tripes de poule !

1 janvier 2019

Comment ça marche ?

Simple.

Mettons que quelqu'un me confie un texte et que ce texte corresponde à la charte de Canalblog, je le publierai au pondoir de ce poulailler.

Utiliser le lien "contacter l'auteur" en bas de page du blog, ou passer à la maison pour qui connaît l'adresse.

Ce peut être également un dessin, une photo, un gribouillis, autre chose...

Je donne le nom et les liens de l'auteur s'il le souhaite, comme il le souhaite.

Pour les jeunes enfants, je préserve l'anonymat.

Au 12 juin 2019, après trois mois de ponte, le poulailler n'a eu que trois visiteurs (peut-être un ou deux de plus qui n'ont pas commenté, c'est possible bien qu'improbable), alors la notoriété des auteurs en résidence ne sera guère boostée par une parution entre ses planches, mais, qui sait ? au bout d'un an, le score aura peut-être doublé ? Et puis, moi, ça me ferait rudement plaisir d'accueillir des auteurs en résidence. Si le plaisir était réciproque, ce serait fun.

Philippe

 

 

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