D'où tenait-il cette eau-forte ?

Il l'avait volée, en 1968, à un électricien qui l'avait lui-même subtilisée dans une galerie d'art parisienne pendant l'Occupation.

Un revolver. Chargé. Quel genre de dealer d'armes à feu est intéressé à posséder une eau-forte de Charles Plessis ? Il ne lui avait pas demandé l'usage qu'il en ferait. L'œuvre représente un artiste peintre et son modèle. L'homme est de dos ; la femme allongée, nue, sur des coussins, la tête appuyée sur un bras replié.

L'échange s'était fait. D'un côté cette arme, de l'autre cette eau-forte. La seule chose d'un peu de valeur qu'il eût jamais possédée...

Là-bas

O*** et S*** mouraient d'envie d'aller au quai déguster une crème molle. Enfin, mouraient, c'est l'expression consacrée. Ce sont des mourantes pleines de vie.

— Nous irons... disait le père.

— Nous irons... disait la mère.

L'occasion s'est présentée. Le grand-père (qu'on appelle Grand-Père) a conduit ses petites-filles au quai déguster une crème molle.

— Tu n'oublies pas ton porte-monnaie, hein, Grand-Père ?

— As-tu vérifié que tu as assez de billets ? J'aimerais ça en prendre une grande. Avec Papa et Maman, on prend toujours une petite.

— Commandez ce que vous voulez !

Regard de l'aînée vers sa petite sœur :

— Il a dit : « commandez ce que vous voulez » !

Sur le quai

— On aimerait ça avoir deux crèmes molles. Des grandes. Vanille et chocolat noir pour moi et chocolat blanc pour ma sœur. Et pis, j'aimerais aussi ça avoir un verre d'eau, s'il vous plaît.

Le trio s'est installé sur la terrasse. Il faisait beau. Grand soleil. 12 degrés. Pas une goutte ! Elles n'en ont pas perdu une goutte de leur crème molle qui allait s'amollissant davantage. Elles ont bien mis trente minutes avant d'arriver au cornet gaufré.

Le grand-père, lui, buvait du petit-lait en regardant les langues gourmandes lécher la crème glacée. Il n'a rien eu. Pas une lichette. Rien que ses yeux à remplir.

De retour à la maison

— Grand-Père a dit qu'on pouvait commander ce qu'on voulait. Devine ?