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La poule pond
30 mai 2019

Tu n'en as jamais marre, Philippe ?

Le coup du râteau ? Un must du cinéma muet. Comme celui du tuyau d'arrosage comprimé d'un lourd sabot facétieux. Le coup du gars qui marche sur les dents de son râteau et qui se prend le manche en « pleine face » comme on dit ici.

 

En version bêche.


Nous creusions* la mare de Laurette. Oui, ici, pour se détendre, entre deux érections de bâtiments agricoles, on creuse des mares dans l'argile bleue.


Or donc, tous les deux, nous creusions. Chacun son outil. De l'eau plein les bottes. Nous rejetions les lourdes mottes sur la berge. La mare prenait formes. « Plus la longueur des berges sera grande, plus de diversité biologique on accueillera », d'où le pluriel à « forme ».

À un moment, j'ai plongé les deux mains (et les avant-bras, j'avoue) dans l'eau trouble pour arracher à la glaise un énorme parallélépipède que la bêche avait tranché et que, malgré tous mes efforts, je ne parvenais pas à décoller du sol. Pour ce faire, la bêche avait été rejetée un peu plus loin sur le talus. Plus loin ? Enfin pas tant, comme l'histoire va montrer bientôt.

Mes lunettes étaient-elles plus maculées de boue que je ne pensais ? La fatigue plus forte que je ne soupçonnais. Ma lucidité amoindrie ? Bref, cet énorme bloc de boue, enfin extirpé de sa gangue adhésive, je l'ai envoyé droit sur le fer de la bêche dont le manche (par un effet mécanique de levier) m'a bondi au visage. La rencontre de la poignée triangulaire avec mon front m'a mis KO. Je suis tombé tête la première, assommé, dans la flaque. Si Laurette ne m'avait pas pelleretenu, je me noyais dans une mare argileuse bleutée.

Mon chapeau de toile ayant amorti le choc, je recouvrai rapidement mon esprit (depuis longtemps je ne dérange plus le pluriel). Mes lunettes étaient sauves, le choc s'étant produit un sourcil plus haut que la monture. Je porte au front une marque en forme d'étrier. Elle s'estompera.

J'ai repris l'excavation à mains nues en faisant semblant de ne pas me plaindre. Tous les deux, nous avons creusé encore une petite heure et quand Laurette a entrepris de façonner les berges à l'imitation de Niki de Saint Phalle et Botero réunis, j'ai prétexté mon faible talent de sculpteur pour rentrer me laver, soigner ma bosse et rédiger une supplique aux industriels afin de les contraindre à fabriquer des manches d'outil en guimauve (voire en beurre d'érable, pour la couleur locale).

 

* À quoi cela sert-il de creuser des mares ?

Abreuver les animaux ? Nenni !

Élever des carpes koï ? Nenni !

Offrir une patinoire aux enfants, six mois dans l'année ? Nenni ! Quoi que, à bien y réfléchir, qui sait ? Un usage peut toujours en cacher un autre. À suivre.

Allez, je donne la solution : héberger des grenouilles** qui mangeront les larves de maringouins qui se développent dans les eaux stagnantes*** et, accessoirement, pour le plaisir de l'œil, à attirer les libellules..

 

 ** Également, me souffle Laurette, à drainer les eaux stagnantes pour les rassembler en un même point où les rainettes du Canada pourraient festoyer tout le jour et chanter toutes les nuits. Elles dorment bien dans la vase tout l'hiver, elles peuvent se passer de repos en été. Il y a donc une logique à tout cela. Logique que, comme le manche de la bêche, je n'avais pas vue venir.

*** Assécher toutes les mares de la province ne permettrait-il pas de supprimer la prolifération des moustiques ? Bonne question et bon courage à qui tentera d'assécher tout le territoire québécois.


Bon, je sens que le lecteur en a bientôt marre. J'arrête.

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29 mai 2019

Le café du dépanneur

jour des camps

Dans un dépanneur, au milieu de nulle part, nous avons bu un café dans un gobelet en carton.


Il n’était ni bon, ni mauvais, ni chaud, ni froid.


Il n’avait cependant pas le gout de l’eau tiède. Nous connaissons le goût de l’eau tiède,  nous avions des éléments de comparaison.


Un café dilué, fondu, perdu.
Perdu ! C’est cela !
Le goût d’un café perdu au fond d’un gobelet en carton. Ce n’était pas un café, mais c’était quand même un café. Ou le contraire.


Nous avons payé le prix de deux cafés. Alors c’était bien du café, mais perdu... dans un dépanneur, au bord d’une route Nord... ou Sud.
19 mai 2019

Fait main


2019-05-29_main droite jaune


Depuis peu, pour dessiner, j'utilise la main gauche.

Pourquoi ?

J'aime. J'aime le résultat : malhabile, hésitant, imprécis.

J'aime ; je continue tant que j'aime.

 

Aujourd'hui, j'ai si mal aux mains, aux doigts, que j'écris de la droite comme si je dessinais de la gauche. Je peine à tenir mon crayon. J'ai des gerçures, des coupures, des éraflures, des pinçons, des hématomes, des enflures, des échardes... toutes sortes de plantes indigènes se sont coalisées pour planter leurs épines venimeuses dans la pulpe de mes doigts. Le soir, ils suintent du sang.

 

Porter des gants ? Bien sûr. C'est évident. Qui voudrait éviter ces désagréments, porterait des gants. Assurément. Me suis-je plaint ? Tant que j'aime je continue.

 

 

En fait, Laurette m'a vite acheté une paire de gants pour travailleur de force, en peau de chèvre. Je ne sais pas de quoi on nourrit les chèvres sur ce continent mais elles ont la peau bien fine. Édifiant.

peau de chèvre

12 mai 2019

CARTE POSTALE

11 mai 2019

 

Une petite maison de bois à la remorque d'un tracteur sur une route canadienne à deux voies. Sur le pas de la porte ouverte, un déménageur barbu en veste à carreaux fume sa pipe, appuyé au chambranle, comme s'il prenait le frais en fin de journée en attendant que sa soupe refroidisse, alors qu'en réalité il fait face à un long convoi de véhicules que la double ligne jaune continue dissuade d'effectuer un dépassement risqué.

 

La procession roule à 5 km/h. Personne ne s'énerve. La petite maison de bois avance à son train de sénateur. Le déménageur frappe le fourneau de sa pipe contre le talon de sa botte d'eau puis rentre en refermant la porte derrière lui. La soupe doit être juste comme il faut.

 

Un peu plus tard — entre le fromage et le dessert ? —, la petite maison de bois prendra un chemin de terre sur la gauche.

 

Bien à vous,

P h i l i p p e.

 

 

12 mai 2019

 

Mise au point : Ce matin, autour de la table du déjeuner, les petites-filles tiennent à ce que je précise que :

1/ Le déménageur s'appelle Jérémy ;

2/ Qu'il n'est pas déménageur, mais charpentier ;

3/ Qu'il ne fumait pas la pipe mais qu'il jouait avec son cellulaire.

 

Calisse de pays où tout le monde connaît son voisin et où les cartes postales sont déjà floues avant que l'encre ne sèche.

 

Encore deux heures et je risque d'apprendre que ce n'était pas un tracteur qui traînait une maisonnette sur la route mais un escargot sa coquille.

 

Je poste avant de devoir refaire toute ma copie.

2 mai 2019

Petit-déjeuner*

J'interromps ma pause pour donner une occasion de faire rire à mes dépens.

Rions ensemble des mêmes choses.

 

 

 

Petit-déjeuner*

 

Tu te lèves le premier, enfin... tu descends de l'étage le premier (on en déduit deux choses : ta chambre est à l'étage et tu n'as pas dormi seul) tu te retrouves dans la cuisine, tu fais chauffer l'eau, tu sors les bols, les cuillères, le thé, la confiture, les céréales, le citron, les kiwis, les bananes, (on en déduit encore une foultitude de choses), tu ouvres le frigo (il était donc fermé) et tu saisis le pot de yaourt du geste auguste du semeur (là, la lectrice comprend où l'auteur veut en venir) la trajectoire est belle : une jolie courbe elliptique qui mène du frigo à la table ronde du petit déjeuner (sans trait d'union à petit déjeuner). Las, (enfin, nous y sommes) le pot t'échappe (ou s'échappe?) et le geste auguste du semeur vire au cauchemar blanc (oui, le mot n'est pas trop fort, nulle éjaculation adolescente n'est comparable à la scène qui va suivre) : le pot de yaourt achève son ellipse au sol, son contenu, brusquement interrompu dans son voyage par le manque de coopération du carrelage, jaillit par l'ouverture, le couvercle ayant choisi de poursuive encore un peu seul son vol inaugural, il se fend sur toute sa hauteur et libère de lourdes giclées albâtre qui terminent leur orgasme sur (la liste est longue) : le sol, les murs, la porte du frigo, l'intérieur du frigo, les produits rangés dans ledit appareil ménager, la porte de la cuisine, les pieds de la chaise, des chaises, de la table, du radiateur, ton pantalon, tes chaussures, ton pull, ta tronche, tes mains (idiot, dans un geste vain, tu as voulu rattraper l'objet avant la chute finale). Bref, tu pestes... (« Carte de crédit ! Écharpe à nœuds ! Soupe au lait ! Location-vente... » et j'en passe !)

 

Là, ton lectorat trouve que tu en fais un peu beaucoup pour un yaourt nature, dont le pot (soit dit en passant) est plutôt doté d'un opercule que d'un couvercle comme tu as écrit plus haut. Opercule ! Opercule ! Opercule ! Est-ce que j'ai une gueule d'eau, Père Cule ? Bref, je maintiens (contrairement au pot qui, lui, a failli dans sa mission) le mot couvercle ; c'est que, depuis quelque temps, il est apparu qu'un pot d'un kg de yaourt, dit à la grecque, concentrait plus de qualités que ses frères en petit conditionnement (moins cher au kilo, moins de déchets (le pot et son couvercle sont recyclables, madame), pas de suremballage, un volume moindre sur les rayonnage du frigo). Un kilogramme ! Le mot (comme le pot) est lâché, un kilogramme (disons huit cents grammes, tout n'est pas parti à l'aventure) de yaourt à balayer en guise de gymnastique matutinale. Quand il faut, il faut... n'était-il pas question ces dernières semaines d'acheter son huile en container de vingt litres ? Non ! J'ai dû rêver. Oui, j'ai rêvé. L'huile non, les graines de courge, oui. Ou était-ce la viande de bœuf ? Je ne sais plus. Ah, dernière chose et je retourne me coucher : je ne prends JAMAIS de yaourt à la grecque au petit déjeuner (sans trait d'union). Toutefois, un œil attentif aura relevé que j'avais soigneusement précisé que je n'avais pas dormi seul... d'où le yaourt. Bonne nuit ! Merci d'avoir tenu jusqu'au bout du récit. Vraiment, merci.

 

*Oui, ce titre ?
Avec un trait d'union. Pas de trait d'union pour un petit déjeuner. En revanche, si l'envie vient de petit-déjeuner, là oui, le trait d'union s'impose.
Vous me dites ?
La culture c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étale.
Oh, étaler c'est mon fort. Vous auriez vu la tête de ma moitié quand elle a découvert le carnage au rez-de-chaussée ; il paraît (certains lecteurs avaient réagi au verbe balayer ? des lectrices, peut-être, alors ? personne ?) que je n'aurais pas dû me servir du balai, ni du torchon pour opérer, qu'il existait d'autres moyens plus appropriés, mais, que dire ? Je suis comme ça, les grands moyens ne me siéent guère, je fais petitement les grandes choses ou je ne les fais pas. J'aurais mieux fait de ne pas les faire. Aurais-je dû ? Je ne sais pas, je ne sais rien, j'ai parfois cru savoir, je ne savais rien. Et même de ça, je ne suis pas sûr.

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